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Après deux mois de séjour en Belgique, le temps
du retour est arrivé. Deux mois de redécouvertes, avec cette joie de retrouver
famille et amis restés en Belgique. Pourtant, quelque chose a fondamentalement
changé. L'éloignement dans un pays gigantesque à la mentalité d'accueil cordiale
et à l'esprit d'ouverture, vous oblige à voir les choses autrement. J'ai pris
conscience de la chance d'avoir pu vivre depuis presque 2 ans au Congo. Je
découvrais que, sans être pour le moins du monde supérieur à ceux que je
retrouvais, je vivais au Congo une expérience unique que seuls ceux qui y ont
été peuvent comprendre. Il est caractéristique de constater, encore maintenant
en 2006, que dans nos rencontres nous détectons avec aisance qui a vécu au
Congo et/ou qui a vécu beaucoup à l'étranger.
Enfin, mi septembre, le retour se précise et c'est en ancien que nous reprenons le DC6. Cette fois, toute la famille est réunie et l'arrivée à Stan fut radicalement différente. En descendant de l'avion, le choc thermique fut perçu sans problème. En effet, vêtu de manière adéquate, nous avions vraiment l'impression de remettre les pieds au pays. Malgré les « tubes » (mot utilisé par les collégiens pour désigner les pantalons longs) la température était tout à fait supportable (évidemment, nous ne portions plus ces fameux lodens de 1955). Sur la photo 1246 ma mère et moi posons devant le guest house dont on voit mieux la façade sur la photo 1247. Le retour à Bukavu se fit de manière traditionnelle : DC4 jusque Usa et DC3 jusque Bukavu. La réinstallation fut un plaisir et l'aspiration aux nouvelles connaissances me reprit.
Ce premier trimestre allait être un peu spécial pour moi. Ce fut tout d'abord l'entrée en « poésie » ! L'année du spleen, des grandes envolées lyriques !
Tout démarra sur les chapeaux de roues.
Au collège, ce fut la découverte du père JACQMOTTE, de ses cours de français, d'histoire et de néerlandais. Quelle personnalité ce père JACQMOTTE ! Il savait nous communiquer sa passion pour l'art, la poésie. Il nous fit découvrir « l'émotion esthétique » sur laquelle il revenait sans arrêt et qu'il nous exhortait à cultiver. Quand on se rappelle les paysages époustouflants de la région du lac KIVU, des jeux de lumières sur les montagnes, des reflets changeants sur ce si beau lac, on ne s'étonne plus que nous comprenions aisément ce que ce professeur voulait nous inculquer. Nous étions tous des « Lamartine » en puissance. Beaucoup d'entre nous s'essayaient aux alexandrins, aux sonnets. !
Paul VANDENEENDE nous avait gratifié de ses poèmes dans orientation ; Staf le Romantique (alias Gustave FABRIZI) suivit ses traces. Pour beaucoup d'entre nous, en pleine adolescence, ce fut du pain béni que d'avoir un prof qui comprenait ce que nous ressentions et qui sut canaliser notre « crise d'adolescence » vers des pôles très intéressants. N'oublions pas nous plus que ce professeur était un brillant metteur en scène et qu'il le prouva encore cette année académique.
04) Monsieur PAS et le retour aux tranchées de 14-18 !
À ses côtés, le gentil et délicieux monsieur PAS, professeur de math pour les secondes scientifiques et professeur de chimie pour tous, su nous enseigner les tortuosités de l'arithmétique et de l'algèbre. Il nous initia aux séries et avec son accent particulier, nanti de son noud papillon, il nous forma aux maths et affûta les réflexes de matheux que le père VAN DE VYVER nous avait inculqués l'année d'avant. Ce cher monsieur PAS, il faillit me laisser gazer par le chlore comme dans les tranchées en 14-18 !
En fait, ayant fabriqué dans un de ses beaux « erlen-meyer » du gaz de chlore, il proposa aux élèves de renifler le vase « clos » par un bouchon afin de nous faire percevoir le 'piquant' de ce gaz et imaginer les tortures qu'avaient subies les soldats dans les tranchées !
Chacun y alla de son « sniff » au dessus du bouchon, trouvant que malgré la fermeture, les pores de liège laissaient passer des molécules piquantes aux narines ! Ce fut mon tour mais comme d'habitude, ma sinuso-rhinite m'avait bétonné les fosses nasales. Ne sentant donc rien du tout, je me risquai à enlever le bouchon et j'y allai d'une inspiration pourtant pas trop forte. Ouille, ouille ! J'ai vu d'un coup 36 chandelles et j'eus l'impression d'un raclage aux fils barbelés de mes voies respiratoires. Je n'ai plus arrêté de tousser durant le reste du cours, les autres n'arrêtaient pas de rigoler et plus j'essayais de trouver mon air, plus l'irritation me faisait tousser. Aussi, bien gentiment il m'envoya sur la barza au grand air après m'avoir envoyé cette dernière remarque (un petit sourire au coin des lèvres) : « Je vous avais bien dit que c'était piquant ! ». Les dernières douleurs me quittèrent le lundi suivant, le cours ayant eu lieu le vendredi de 11h à midi. J'ai donc passé tout le WE avec une toux sifflante en me jurant bien (rhume ou pas) de ne plus jamais tester les produits de Mr. PAS !
Enfin, l'avantage est qu'on ne s'ennuyait jamais à ce cours de chimie, car on s'attendait systématiquement à une explosion, avec ou sans flamme et avec ou sans débordement intempestif. Notre ami Contosphyris EVANGELOS et son voisin André BOLLO se virent nantis d'une chemise en dentelles après un de ces « épanchements » surprenants. Réaction exothermique, endothermiques, nous eûmes droit à tout.
05) And, if Polly is a Parrot.
Nous conservions Mr. SNIJDERS pour l'anglais, j'en fus ravi car j'appréciais particulièrement sa manière de vous décortiquer l'étymologie des mots et l'humour avec lequel il nous dévoilait les expressions parfois tordues de la langue de Shakespaere !
06) Yachting et plongeon vertigineux.
Qui ne rêvait pas de faire une croisière sur le lac avec le yacht de monsieur GEERTS, (et surtout en compagnie de sa charmante épouse). Pour nous ce fut une nouveauté de voir Mr. GEERTS reprendre le cours de géographie car nous avions eu le père VERHAEGEN en 4ème, monsieur VANDEVOORDE EN 3ème, mais celui-ci décéda malheureusement durant son congé en Belgique, victime de la maladie.
À propos de Mme GEERTS, nous eûmes le plaisir de l'avoir en fin de poésie comme prof d'anglais, monsieur SNIJDERS étant rentré se faire soigner en Europe. Lors de son premier cours, elle apparut vêtue d'une grande jupe et d'un chemisier tout ce qui a de plus classique et surtout boutonné jusqu'au cou. Dans la suite, la chaleur aidant et l'habitude de se trouver devant une classe lui donnant de plus en plus d'aisance, nous vîmes la longueur des manches diminuer de cours en cours jusqu'à ne plus avoir de manche du tout et parallèlement à cela, le décolleté s'amplifiait à allure exponentielle.
Lorsqu'elle s'approchait de nos tables en se penchant vers nous avec un grand sourire pour nous expliquer un accord, une conjugaison, combien d'entre nous n'ont point ressenti le vertige que donne le plongeon de la plus haute girafe en découvrant un paysage inespéré durant un cours d'anglais.
Note.: Le lecteur comprendra aisément que le cours d'anglais prenant ce sinueux virage en géographie, les choses se compliquaient et nos esprits avides de connaissance avaient fréquemment besoin de leçons particulières. Or, faire de la géographie en anglais compliquait sérieusement le cours ; pas étonnant alors que nous étions de plus en plus nombreux à avoir besoin d'explication de Madame la « professeure » !. En seconde scientifique, nous avions en principe la bosse des maths, mais ce qui est certain, c'est que tous nous rêvions des bosses d'anglais.
Ce premier trimestre 57-58 fut pour nous celui de la métamorphose « camarades - copains - amis » !
En effet, au fur et à mesure des années de vie en commun, de camps et d'excursions, de solides amitiés se nouaient dépassant le simple stade du camarade de classe ou du copain scout. Des affinités se faisaient de plus en plus précises. Quand on a 16 ans, bien qu'on se donne une image de dur, on reste adolescent en recherche de soi, d'équilibre, de certitudes. Il est alors rassurant de pouvoir parler de ses aspirations, de ses angoisses, des ses interrogations à quelqu'un qui peut vous comprendre puisque dans le même bateau que vous.
J'ai eu la chance de me faire des amis aussi bien parmi les condisciples du collège que des copains de la ville.
En deuxième scientifique, le nombre d'étudiants
étant inférieur à 10, je me sentais proche de tous mais avec une pointe
préférentielle pour Albert QUINTENS (photo
1297 !). Faut dire aussi que nous
étions les deux externes de la classe. Nous parlions théâtre, cinéma,
poésie ; que de fois ne m'a-t-il pas vanté les vers, la prose et les
prouesses théâtrales de son frère André ! Il avait l'art de nous faire
rêver en contant ses multiples voyages en brousse entre STAN et BUKAVU en
passant par la station de l'EPULU (photo
1298,
1299,
1300 et
1301) où entre autres, un vieux lion et
un okapi passaient leurs vieux jours ; dans l'ITURI (photo 1302) avec quelques pygmées, le long de
la SEMLIKI, de BUNIA à DAR ES SALAAM traversant le KENYA de part en part (photo
1303, pèche au gros : poisson scie
et requin et 1304 : rencontre avec un guerrier
Masaï !). Tant et si bien qu'il me promit une escapade de taille et il tint
promesse ! Mais nous y reviendrons en temps voulu.
En fait, fin septembre 1957, arrivant en poésie malgré mes « pas encore 16 ans », (fallait attendre le 17/12) il se fit un besoin sérieux de relève pour le clan des routiers. Paul VANDENEENDE, Guido VANDERICK, l'ami DAHIN, enfin toute une équipe était en instance de départ puisque accomplissant leur rhéto pour certains, d'autres étant déjà rentrés soit à LOVANIUM soit dans une autre université.
On nous sollicita Alain DELVILLE, Christakis CHARALAMBIDIS, Auguste et Gustave FABRIZI, Guy NOTTÉ, Jean-Marie LIBBRECHT et moi-même, pour nous préparer à remplir les cadres futurs. C'est là que Gustave est devenu un grand ami ; nous fîmes pas mal d'activités ensemble que ce soit en ville et au collège puisqu'il était en 2ème latine et externe aussi.
Des liens privilégiés se tissèrent aussi avec
Christakis, Alain, Auguste et bien d'autres ! Ils ne se sont jamais brisés,
même si l'un ou l'autre s'en est déjà retourné au Père ! J'aurai le loisir
de vous décrire les moments irremplaçables que j'ai vécus en leur
compagnie.
En dehors du collège, je devins grand ami d'un gars dont je vous ai déjà parlé antérieurement à propos de courses cyclistes et de patins à roulettes. Ce bon vieux Didier van de WERVE (photo 1305) qui souvent le midi, rappliquait en bécane avant de foncer lui vers l'athénée, moi vers le collège. Que de soirées devant la maison à discuter du dernier film vu au collège ou en ciné-club. Que de folles comparaisons envers les filles que nous avions croisées de la semaine.
Avec lui aussi, il y eut pas mal d'aventures, que ce soit avec sa pétrolette, sa bicyclette et les camps aux souvenirs impérissables. En fait, durant ce premier semestre se mettaient en place toute une série de pions qui allaient me permettre de vivre mieux encore toute une pile d'aventures d'adolescent.
« Et pendant ce temps là. », chantait Gilbert BÉCAUD, le stade olympique du collège se terminait. Du coup une magnifique journée d'athlétisme fut organisée avec les différentes institutions scolaires secondaires congolaises (le collège des Barnabites, l'institut des frères de NYA NGEZI). Toute une série de photos illustre cette journée mémorable et grâce aux renseignements fournis par un des participants actifs : Guy VAN GREEMBERGHE, on peut donner des noms et des situations précises à celles-ci. Les photos 1248, 1249 , 1250 , 1251 , 1252 , 1253 , 1254 et 1255 illustrent des moments palpitants de cette journée.
Guy me précise que sur la photo
1248, on voit Luc, son frère, y gagner le
600 m. Pour le folklore, il portait des baskets rouges au grand dam des pères
jésuites ! L'homme en blanc est Mr. FRANZERE du BFC (Bukavu Football Club)
qui fit du trapèze avec TANAGRA à l'expo de BUKAVU en 1954.
Sur la photo 1250, on voit (van de) WAELE, je crois, battre de peu les élèves du collège des Barnabites. La 1251 témoigne du podium de la victoire de Luc au 600m. Sur la 1252, la postérité découvre la victoire de Pierre SAILLEZ aux 1000 m. Sur la 1255, on y voit Guy VAN GREEMBERHE passer le relais (4x100m) à Michel PAZ ; la victoire est revenue à leur équipe. (Merci Guy pour ces précisions !).
Entre temps, bien sûr, la corrida des activités culturelles et sportives repartait de plus belle. Nos chers pères jésuites avaient sans doute peur de nous laisser désouvrés .!
Désouvrés, mon oil ! Est-ce l'âge, le
bouillonnement hormonal ou un métabolisme en plein explosion ? Toujours
est-il qu'avec quelques copains et amis, compagnons et scouts, octobre, novembre
et décembre passèrent sur les chapeaux de roues ! Une rage de peaufiner
notre formation scoute nous prit aux tripes. Toutes un série de badges furent
entrepris et réussis. Plusieurs d'entre nous se retrouvèrent avec des
cordelières de mérites à 6 et/ou 12 badges. Ce furent des hikes aventureux avec
patrouille ou à 2 ou à 3 !
12) Badge de campeur, fignolé à
KAMANIOLA !
Avec Pol VANDERICK, par exemple, nous entreprîmes pour terminer les épreuves du badge de campeur, un hike en vélo de BUKAVU à KAMANIOLA en se farcissant aller-retour les divers escarpements. Bien que la nouvelle route fut asphaltée, les grimpettes furent atroces pour nos muscles et les descentes éprouvantes pour nos nerfs. En fait, on descendait de 1460 m à 900 m ; ensuite il faudrait remonter.
Laissons nous aller aux souvenirs en nous
rappelant ce parcours fabuleux sur une route déclarée à l'époque « une des
plus belles voies routières de la colonie ». (Guide touristique du Congo et
du Ruanda Urundi de 1958 !)
D'une largeur de base de 6,6 m, elle avait en supplément des sur largeurs de 4 m dans certaines courbes. La pente maximum y était de 7% et les ouvrages d'art étaient à double voie sauf celui de KILIBA. De merveilleux points de vue sur la vallée tourmentée de la RUZIZI s'offraient aux regards. (photos 1268 -1269 - 1270).
En partant du rond point de la KAHAWA, on prend
à gauche la nouvelle artère qui file vers le RUANDA ; on passe la RUZIZI
sur un pont en arc à trois articulations de 60 m d'ouverture (photo
1306). On est à ce moment à 1435 m
d'altitude. On quitte le Congo et on entre au Ruanda ; ça monte, ça monte.
Au km 30,5 lieu dit GITI, débute l'escarpement qui nous mène à 1630 m ! En vélo, nous eûmes tout le temps d'apprécier les vues magnifiques et les lacets du km 36,5.
La dégringolade est alors féroce car on passe au km 41,5 le pont voûte en béton sur la rivière CHAGARA à l'altitude 980 m ; cela nous fait une différence de 650 m en 11 km ! À bécane, c'est pas mal à descendre, mais à la remontée. !
Enfin, au km 44, on traverse la RUZIZI par un pont de 36 m et on rentre au CONGO. À partir de cet instant, on est dans « la plaine » comme on le disait couramment et la route devient d'une rectitude ahurissante. Au km 50,5 : le territoire de KAMANIOLA . À gauche, le fameux hôtel restaurant « Les BAMBOUS » avec sa piscine et son mini-zoo.
Arrivés au km 51, nous nous installâmes un peu avant la rivière LUVIMVI, sur laquelle était lancé un pont triangulé. Une fois la tente installée, nous utilisâmes notre temps aux différentes épreuves, croquis et autres activités imposées. Le seul contact que nous eûmes avec l'hôtel restaurant « Les Bambous » eut lieu le samedi matin pour une question d'eau potable. L'accueil de la gérante fut des plus époustouflants car cette gente personne se déplaçait avec pour toute tenue un ultra mini-bikini à côté duquel celui de la chanson de Dalida ressemblait à une couverture !.
Après avoir fait un croquis du pont sur la LUVIMVI comme exigé dans notre contrat pour le badge, nous revînmes à la tente mais quelle fut notre surprise en constatant qu'à peine 50 m devant notre campement, des ouvriers avaient allumé un feu qu'ils ne contrôlaient plus et qui s'étendait rapidement dans notre direction. En un temps record, nous avions débarrassé le plancher et nous allâmes nous installer dans un autre bosquet afin de mettre tout de même la tente à l'ombre.
Le dimanche matin, le retour commença après avoir fait disparaître toute trace de notre passage et après avoir bénéficié d'une poubelle accueillante aux Bambous pour ne pas cochonner la nature. (Cette fois, la gérante avait tout de même enfilé un short.). Ce retour se fit nettement plus douloureux, car pour remonter de « la plaine » à Bukavu, à l'inverse de l'aller, il y a beaucoup plus de montées que de descentes ! Les 650 m de dénivellation se rappelaient cruellement à nos muscles. A mi-grimpette, malgré nos précautions, les gourdes étaient vides et nous étions déshydratés. Les changements de vitesse et dérailleurs de l'époque nettement moins développés que ceux d'aujourd'hui, nous devions souvent mettre pied à terre.
15) Echange d'à propos. <Échange d'à « propre eau ». >
C'est en poussant nos
bécanes chargées de nos sacs et de la tente que nous aperçûmes en contrebas de
la route une hutte à l'ombre de laquelle un Congolais d'un certain âge
laissait couler le temps tout à son aise. Celui-ci nous regardait et on devinait
qu'il devait se demander à quels cinglés il avait affaire; deux jeunes wasungu,
en pleine chaleur, à bicyclette, chargés comme des mules alors qu'ils ont des
bagnoles. ! Cet homme, le moment de surprise passé, comprit rapidement que
nous avions le gosier comme du buvard et nous proposa de l'eau bien fraîche.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, cet homme nous sortit de sa case deux
calebasses contenant une eau limpide et fraîche, presque glacée ;
cela tenait du miracle. Nous nous sommes désaltérés et avons rempli nos gourdes
de cette eau si fraîche et si délectable, provenant des torrents de montagne.
Nous avons alors remercié chaleureusement ce monsieur grisonnant, tout simple
mais tellement important pour nous. De tout cour, nous lui offrîmes tout
l'argent qui nous restait. Il a gagné sa semaine d'un seul coup. Je n'oublierai
jamais son sourire et son accueil. C'est cela l'Afrique ! Qu'il soit
remercié de sa gentillesse, de sa simplicité et de son efficacité.
Ce week-end là, nous avons formé, Pol et moi, une équipe formidable et avons vécu des moments inoubliables. J'ai pu apprécier ses qualités humaines : courage, ténacité, solidarité et j'en passe. Les dernières grandes émotions, nous les vécûmes dans la grande descente avant le pont de la RUZIZI et qui se présente à nos yeux brutalement en découvrant après un dernier tournant les deux versants de la vallée de cette rivière. La longueur de cette descente est telle que si l'on n'y prend pas garde, la vitesse devient excessive et le vélo n'étant pas prévu pour la course, commence à vibrer d'une manière préjudiciable à l'équilibre. Il faut donc jouer posément et calmement du frein si on tient à sa peau. De toute façon, le spectacle grandiose de la vallée vaut bien que l'on descende sagement. (photo 1307)
Parallèlement à ces moments passionnants vécus en brousse, nous vivions le démarrage d'une époque qui ferait parler d'elle encore longtemps : celle du « Rock and Roll » ! Arrivant des States, les 45 tours US atterrissaient tout droit sur nos tourne-disques après un bref passage à la « Maison Bleue », ce magasin tenu par une blonde incendiaire qui ne passait pas inaperçue à Bukavu. Les plus veinards disposaient des premiers électrophones du moment. Bill HALEY, les EVERLY BROTHERS, les PLATTERS, Fats DOMINO, Elvis PRESLEY et bien d'autres nous ravissaient, nous tenaient rivés autour des haut parleurs et pour certains d'entre nous enchantaient ces fameuses soirées dansantes, ces premières soirées de nos seize ans ! Au rez-de-chaussée du bâtiment terminé par la bibliothèque, à peu près en face des terrains de basket et pas loin non plus des classes de musique de Mr et Mme VAN DER VORST, Serge TRIPEPI avait élu domicile et c'est là qu'on le retrouvait écoutant « Don't be cruel » ou « Day Ho ! » ou « My Prayer ». Il y peaufinait aussi ses accords de guitare en vue des exhibitions des Star Boys !
17) Harmonica, quand tu nous tiens. je te tiens.
De mon côté, j'avais ramené de Belgique un
magnifique harmonica double que mes parents m'avaient offert. Un ami m'avais
même appris à donner l'illusion de l'accompagnement à côté de la phrase
musicale. Cet instrument ne me quitta jamais durant cette année et les feux de
camp de manquant pas, je n'arrêtais pas de jouer. À cette époque, pour un oui ou
un non, je prenais l'ustensile et je jouais avec passion. Il faut dire que dans
la douceur de beaucoup de soirées, après une chaude journée, sur la barza
éclairée par une lampe Colman ou à pétrole, ou auprès d'un feu de bûches, un air
d'harmonica vous flanquait le spleen, ce spleen si cher à Baudelaire et au père
JACQMOTTE. Que de souvenirs les soirs de camps, de hike, d'excursions qui
immanquablement puisaient leur ambiance dans le Faïdoli, le Tiouli et autres
recueils de chants scouts.
En octobre, traditionnellement la fête du Christ Roi réunit à nouveau tous les mouvements de jeunesse à la cathédrale pour une giga-messe comme on dirait maintenant. Intérieur et extérieur de la cathédrale étaient combles comme on peut le voir sur les photos 1256 à 1266. L'immanquable défilé suivit évidemment afin de saluer les autorités religieuses au balcon de la cure. (Que ceux qui se reconnaissent se manifestent, cela fait toujours plaisir !).
Sur la photo
1256 par exemple, à gauche on reconnaît
une des filles Fabrizi ; plus au centre, on reconnaît Yvonne VAN RIJMENANT
et plus à droite, parmi les garçons, on reconnaît Luc VAN DENDRIESSCHE portant
le drapeau. Je crois que ces manifestations aux vastes déploiement témoignent de
l'ardeur des jeunes de notre époque et j'ai toujours été impressionné par cet
élan qui nous poussait à participer à toutes ces activités. Les photos 1257 et
1258 montrent la solennité qui
régnait dans la cathédrale et les suivantes de
1259
1260
1261
1262
1263
1264
1265
et 1266 montrent la foule de jeunes
qui de dehors assistaient à la messe faite en duplex.
Mis à part ces grands rassemblements, existait toujours plus modestement l'accueil à KAMEMBE de ceux qui rentraient de congé (photo 1271). C'était l'occasion de se promener et de rencontrer des connaissances de manière plaisante. Il y avait toujours aussi les promenades sur les hauteurs et un coin particulièrement apprécié de mes parents était le « PLATEAU » où les frères Maristes avaient implanté leur école technique et professionnelle. Le point de vue sur Bukavu y est grandiose. (photo 1267). [ Note : en 1989, avec mon épouse, je ne manquai pas d'y faire un tour ; la vue sur Bukavu y était toujours aussi splendide (photo 1308 ) mais la route pour y arriver impraticable sur les derniers 500m ; il fallut sortir de l'espèce de taxi pour prendre aisément des photos. Une vue exceptionnelle s'offrait aussi à nos yeux, l'enfilade de trois des 5 baies de Bukavu et en plus l'athénée et le collège l'un derrière l'autre. Bien sûr, cela ne fut réalisable qu'avec un téléobjectif. (photo 1309)]
20) Changement d'auberge et grand plongeon
!
En novembre 1957, un événement vint rompre les habitudes : nous déménagions de l'avenue du Plateau à l'avenue du Prince Régent, à peine à 300 m du collège.
Le temps avançait, décembre se pointait déjà. Un des premiers week-ends de ce mois, nous décidâmes d'aller passer à nouveau un dimanche en famille en voiture à Kamaniola aux « Bambous ». J'y fis enfin mon premier plongeon de la plus haute girafe. Une nouvelle étape était franchie, une peur de plus de vaincue ! Dans les semaines qui suivirent je réitérai mon petit « exploit » mais alors devant les copines et les copains du beach du collège. Je n'eus bien sûr jamais la prétention de rivaliser avec les frères VAN DENDRIESSCHE (Luc et Jean Marie) qui faisaient le saut de l'ange d'une manière splendide. On attendait d'ailleurs avec impatience qu'ils grimpent sur la girafe pour les voir officier ! Personne, je crois, ne les a égalés dans ce genre de démonstration. (photo 1310)
21) Le frère OYEN < OOYEN > nous quitte.
Une note douloureuse intervint en ce décembre 1957 avec le décès de Frère OYEN, à GOMA. (C'était l'économe du collège). Parti en retraite aux MASISI, un malaise le surprit et malgré un transport rapide à GOMA, il succomba à une hémorragie cérébrale. Il était à BUKAVU depuis 7 ans. André qui le trouvait très gentil parle de lui à quelques reprises dans la partie 1949-1955, notamment à propos de la liturgie et des servants de messe (il venait de Rome) et de la fameuse vaisselle incassable.
22) L'aventure, c'est l'aventure !
Les vacances de Noël approchaient. Durant
celles-ci, une équipe de routiers confirmés accomplirent une aventure
passionnante : la reconnaissance à pied du lac LUNGWE dans le pays de
KASIKA. Peu de personnes s'y étaient risquées, mais une équipe de
choc emmenée par le père SOMERS entreprit le périple. Les participants, à ma
connaissance furent : Michel BRAET, Guido VANDERICK (frère de Pol), Louis
DEDIER, Guy DAHIN, Luc VANDENDRIESSCHE, Gérard DELHAYE et Paul VAN DENHEEDE. Pas
moins de deux articles dans « orientation » furent nécessaires
pour relater l'exploit !
L'un des participants étant tombé malade
en cours de route, cela compliqua la randonnée car il fallut agir en conséquence
afin de ramener tout le monde à bon port. Mission accomplie. Une brochette
de photos de cette expédition m'est parvenue grâce à Luc VANDENDRIESSCHE. Sur la
photo 1272, le père Somers termine sa messe
journalière avec l'aide de Luc. Sur la photo1273, Gérard en lunettes noires écoute
attentivement la fin de l'office avec Louis, Michel et Paul. La
photo 1274 nous présente un père Somers au
mieux de sa forme et la suivante (1275), le même au repos en cours
d'étape ! Sur la photo1276, autre matin, autre étape, autre
messe . ! On notera au passage la mine sérieuse de l'équipe qui entoure le
père ! Sur la photo1277, une scène de la vie du camp ; on y
reconnaît Guy et Paul chouchoutant la carabine du groupe dans une attitude très
broussarde !
Les efforts soutenus demandaient aussi des
haltes et la photo 1278 immortalise l'une d'entre elles.
Gérard, sur la 1279 est surpris lui aussi en pleine
pause ! La photo 1280 montre l'équipe après un excellent
repas lors d'une halte de luxe dans une mission. Le malade, dont je vous ai
parlé plus haut, était en fait Guido qui, si la mémoire ne nous trahit
pas, commençait une sérieuse crise d'appendicite. Il fallut dare-dare le
ramener à la mission de Lemera.
Ce furent Luc et Gérard, partis en estafettes et à marche forcée (photos 1281 et 1282) qui prévinrent les autorités pour que l'on vienne chercher Guido le plus rapidement possible. Après cet incident qui finit heureusement très bien, le groupe reprit la route et mena à bien cette expédition. Sur la photo 1283, on voit bien la position du lac Lungwe, de la mission de LEMERA où fut ramené Guido et de KAMANIOLA sur la route d'Usa. Sur la 1284 , à une échelle plus grande, on voit où se situe BUKAVU par rapport à ce lac. Le groupe revint épuisé par ce fameux périple mais très heureux de l'avoir réalisé. (Photo des rescapés : 1311)
Cela aussi était une facette des activités proposées par notre cher collège. !
23) Solidarité à tous échelons.
Plus modestement, certains groupes du collège, restés à Bukavu, découvraient la menuiserie avec son cortège de doigts enflés par un marteau dérapant, un tournevis récalcitrant ou une lime mal utilisée. En fait, sous la préfecture, près de l'endroit qui servait à rafistoler le fameux pick-up des élèves, un atelier de menuiserie fabriquait en série des lits en bois pour les Congolais de Katutu et Bagera, villages édifiés par l'OCA, (Office des Constructions Africaines) ; les maisons et la voirie étaient en voie d'achèvement. Pour aider à une installation décente et assurer aux familles de quoi se loger, notre collège s'était engagé à fournir des lits et nous tînmes parole. Ce fut une façon agréable de passer une partie de vacances et de répondre valablement au message de Noël. « Déjà dans ces locaux sis sous la préfecture, André relate dans la partie 49-55, des travaux de déclouage de caisses en bois. »
Noël 1957 fut aussi délicieux que celui de 1956 ; dans une ambiance chaude mais douce, nous avions l'impression de vivre un instant comme à Jérusalem ! Pas de gel ni de neige comme en Belgique mais grâce au lac, le souffle chaleureux de la paix et une ambiance de Méditerranée nous étaient envoyés par la magie de la Nativité.
Le passage à l'an neuf se fit bien sûr dans la joie des réveillons entre familles amies ; la Primus et le whisky furent de la partie pour quelques paternels !.
Avec ce début 1958, quelques changements de taille intervinrent encore au collège. Non seulement le stade olympique fut finalisé, mais les petits eurent leur nouveau dortoir et les TP terminèrent l'aménagement du chemin du beach (sans problème de bulldozer cette fois !).
Comme d'habitude, diverses activités furent organisées jusqu'à la rentrée et la traditionnelle fête chez les externes clôtura des vacances de Noël bien méritées.
25) Le train-train d'enfer des activités culturelles !
Et c'est reparti ; le père JACQMOTTE nous
briefa de manière remarquable sur le film de ciné-forum du jeudi
9 « Il Tetto » de Vittorio de SICA (film néo-réaliste de 1957).
Le dimanche qui suivit, un meeting aérien nous rassembla à la plaine où les
exhibitions ne manquèrent point. Le lendemain, nous retombions les pieds sur
terre grâce au professeur De VISSHER venu nous parler des isotopes radioactifs
en médecine ! Notre cher père VAN DE VIJVER, en association avec Mr.
BECELAERE eurent un franc succès avec la projection de leur film primé au
festival du KIVU : « Le cycle de vie du BUNEA ALCINOE
STOLZ ».
( Le bunea alcinoë est une mite géante de ver à soie )
Les événements se télescopent en ce janvier 1958. Le jeudi 16, sa majesté la Reine Élisabeth, épouse du roi Albert, rendait visite à Bukavu, ce qui nous valut un jour de congé exceptionnel le vendredi 17. Les photos 1400 1401 1402 1403 et 1404 illustrent différents moments de l'attente du cortège. Je n'ai malheureusement pas retrouvé de photos du cortège avec la reine. Le congé du vendredi ne profita pas au Victory car il s'inclinait le dimanche 19 devant le Racing et voyait ainsi la « coupe de l'Est » s'envoler vers d'autres.
Le théâtre revint en force le jeudi 23 avec « PATATE » de Marcel ACHARD interprété par le TUF et bien entendu supérieurement enlevé, comme le rapporte le chroniqueur d'Orientation.
27) Escalade dans la technique d'un côté, ancrage
dans le Christ de l'autre !
Plus assez motivé par le bricolage des caisses à
savon, une équipe de mécanos en herbe rassemblent inlassablement de vieux tacots
(ou morceaux de ceux-ci) et poursuivent opiniâtrement leurs activités dans
l'atelier jouxtant la menuiserie où l'on fabriquait les lits pour les familles
congolaises. Durant ce temps, les économistes réfléchissent au message qui leur
est lancé par la représentation de la pièce « L'avare » de MOLIERE.
Entre temps, Léo SOURIS and his five cats remportèrent un succès
mitigé.
Le 27, fête de Saint Jean CHRYSOSTOME ! Les rhétos s'évadent . pour leur voyage traditionnel au Quenn's Elizabeth Park.
Un événement particulier survint le lundi 23 février : les pères VIVEX et JANSSEN (dit Mimil !) prononcent leurs derniers voux et donnent ainsi leur vie au service du Christ. Les photos 1405 et 1406 immortalisent ces instants. La fête qui s'en suivit fut à la mesure de l'événement. Tout d'abord, les élèves battent les profs au volley (ça commence bien !). Ensuite, à la grande salle, saynètes en tous genres se succèdent. On y vit entre autres : Le jugement de Jean le Fou ; Le colonel fait des mots croisés ; Frère Jacques ; L'anglais tel qu'on le parle ; À qui le banc ?.
Pour l'occurrence, le père GOOSENS composa plusieurs chansons qui furent toutes bissées.
28) Le collège en vedette hollywoodienne !
Après « Le pauvre étudiant »
interprété par Robert MORTIERS et « l'admitattur » il y eut un
événement marquant : la projection commentée du film de Hubert HOSTE
(?) sur le
collège, sa vie, ses activités. Je vous avais parlé de l'élaboration de ce film
précédemment au chapitre « 55-56 ». Hubert nous a malheureusement
quittés il y a quelques années et son épouse a eu la gentillesse de nous
laisser copier ce film fantastique sur lequel on reconnaît énormément de
collégiens, car il fut tourné avec la collaboration des élèves, des pères
et des profs laïcs. Il illustre la vie d'un collégien de son lever à son
coucher ; ses occupations et préoccupations ; ses activités et ses
excursions. C'est toujours avec émotion que ce film tourné en 8mm de l'époque et
qui dure 56 minutes frappe ceux qui ont la chance de le visionner.
Le jeudi 6/2, on reste au ciné, car le père JACQMOTTE nous invita à suivre le ciné forum « Grand rue » de Juan BARDEM, 57 avec Betsy BLAIR et Dora DOLL, tragédie qui marqua nos esprits de poètes.
Une visite solennelle de Son Excellence Monseigneur BRUNIERA, délégué apostolique, nous rassembla à nouveau le samedi 8. Son discours émaillé de « Z » faisait sourire les auditeurs ; il trouvait notre roi très « ZOULI » et très « CHACHE ». Nous eûmes quelques difficultés à garder notre calme . Immanquablement, pour souligner cette visite officielle, nous fûmes du défilé du dimanche de toutes les institutions catholiques. Sur la seule photo dont je dispose, on voit défiler le professeur DESMET avec ses étudiants de l'école technique du Plateau. Sur le côté gauche, on peut voir mon jeune frère Jean Pierre (photo 1407). La fanfare avec un Robert MORTIERS époustouflant se tailla un franc succès.
29) Un ouragan déferle sur le collège !
Depuis plusieurs semaines, une activité d'abord
passée inaperçue comme une légère brise prit une ampleur considérable. La
tension montait ; la turbulence des machinistes, l'ardeur des acteurs,
l'acharnement des couturières et la poigne de fer du père JACQMOTTE, tout se
conjugua pour en arriver à l'ouragan spectaculaire que fut la représentation
théâtrale « Ouragan sur le CAINE » ! (photo
1408)
Le 12 février, devant la foule médusée d'une salle comble, un nouveau prodige de mise en scène, dû au savoir-faire du père JACQMOTTE, se déploya sur la scène du collège et fut superbement représenté par une brochette d'acteurs sublimes dans leurs interprétations. Cette pièce à action psychologique, et de rythme pourtant lent, éclata en un ouragan d'applaudissements.
L'avocat
TRIPEPI, lucide jusque dans l'ébriété, bouleversa l'auditoire. (photo
1410 et
1417) Jean Marie VANDENDRIESSCHE,
remarquable, lui tint tête durant tout le procès (photo 1409). Comme le rapporte Olivier LEBRUN
(Rhéto 58) dans Orientation : « Les témoins éblouirent l'auditoire. Je
citerai le pathétique Piet et le faux air savant de Paul VAN DEN EENDE »
(photo 1412). Une note humoristique (la seule de
toute la pièce d'ailleurs) mais teintée d'une profondeur toute dramatique fut
donnée par Guy JOANIDES, en pleine forme, dans son interprétation du
quartier-maître (photo 1411). Les autres témoins appelés à la
barre furent sobres mais chacun avec sa personnalité. Christakis fut d'une
hésitation savamment entretenue pour réfléchir à la portée de ses mots (photo
1418). Luc VANDENDRIESSCHE par sa diction
froide et pure épingla la façon « logique » avec laquelle l'officier
qu'il représentait voulait faire passer sa version des choses. L'officier
« Gérard DELHAYE » joua à fond la carte du 'prudent' dans sa réponse
(photo 1413). Le témoin Jean Marie ANDRE par ses
manières précieuses alourdit encore l'imbroglio (photo 1419). Bien sûr, c'est l'interprétation
de Mr. MORTIER, ce capitaine QEEG arrivé au bout du rouleau, qui subjugua tout
le public (photos 1415 et
1416). Durant toute sa longue et dernière
tirade, il soutint l'atmosphère tragique d'un bout à l'autre de sa prestation.
« La salle resta mystifiée en bloc compact et ne put s'empêcher d'exulter à
la sortie pénible du capitaine QEEG » signale encore Olivier.
Il termine son article en précisant qu' « un sommet dramatique clôture cette pièce alors qu'on se trouve en pleine réception des officiers du USS Caine ». Une photo exceptionnelle de cette scène montre au complet le groupe LAUCLAFASA ! En effet, quatre jeunes poètes : Jean Pierre LAURENT (?), Willy CLAESSENS, Gustave FABRIZI et Pierre SAILLEZ avaient formé depuis le début de l'année académique, un quatuor vocal et à maintes occasions, ils enchantaient les soirées et spectacles organisés par le collège en reprenant les succès du moment tels que : 'Alors . raconte !' de Gilbert BECAUD ou 'CHAUCOON' des TARRIERS, ou 'Day ho ! (Banana boat song)' etc.. En prenant la première syllabe de leurs noms, ils trouvèrent celui du groupe. La photo 1414 les immortalise ; ils y chantent le fameux « Chatagoona Choo Choo » de Glen MILLER. Sur cette photo on voit de gauche à droite : Jean Marie VANDENDRIESSCHE, Pierre SAILLEZ, . ?, Willy CLAESSENS, Jean Pierre LAURENT (?), Gustave FABRIZI, Charles BORGERS et assis Luc VANDENDRIESSCHE.
On put admirer aussi dans des rôles dits secondaires la
prestation des officiers supérieurs qui durant presque tout le spectacle
devaient rester sérieux et crédibles, assis sur leur chaise, derrière la longue
table . « Messieurs BASTIN et NOËL ont étalé avec autorité toute leur
expérience des procès militaires » dit encore Olivier. Avec humour, il
égratigne au passage « l'autorité incontestable de STAVRIANOS et
l'éloquence de Robert MORTIERS » très sérieux dans leurs rôles de
juges !
Une nouba mémorable clôtura ces représentations inoubliables ; sur la photo 1420, je crois que c'est Mme Bisschops qui coupe le gâteau tandis que « SOFT » (alias Xavier DELVILLE) s'interroge en suçant le second couteau sur l'ampleur du morceau à piquer ! Machinistes et acteurs entremêlés attendent de foncer sur le gâteau.
Une grande page d'histoire venait de se tourner ! Comme signalé plus haut : « cette pièce n'a fait qu'étendre la renommée théâtrale du collège et de ses acteurs déjà tant admirés lors des mémorables représentations « Des Hommes comme des autres » de l'an passé ». (Remarque d'Orientation 9ème année n°3). On peut vraiment dire qu'avec « Home of the Range » de 1957 et Ouragan sur le CAINE de 1958, la troupe des élèves et des profs était arrivée, grâce au talent exceptionnel du père JACQMOTTE, à un véritable sommet de l'interprétation théâtrale.
« André, qui me relit, fait remarquer que cet enthousiasme délirant rejoignait exactement les grands moments que le collège avait déjà eu l'honneur de mettre en scène les années précédentes. Nous restions dans la même ligne d'excellence théâtrale : pensons simplement pour les années 49-55, au Chat botté, à Sans nouvelle de l'S-14, au Petit Poucet, au Train fantôme, au Malade imaginaire, à Reinart de vos, à Maître après Dieu, à Bonne nuit colonel, à Thyl UYLENSPIEGEL et à combien d'autres qui révélèrent des dizaines de talents d'acteurs et de techniciens des coulisses sous la houlette de maîtres de la mise en scène (Pères Peters, BERTRAND, JACQMOTTE, Messieurs VAN DER VORST, HEYMAN...) » >
Après toute cette énergie offerte au public, tous les participants au spectacle purent goûter d'une heureuse décompression grâce au congé de détente qui commençait le vendredi 14 février. Pour certains, ce fut l'île IDJWI, pour d'autres NYA KASIBA.
Pour les externes, les excursions en famille et les activités scoutes agrémentèrent ce congé bienfaisant.
Jean Marie ANDRE (dit Maradoy II) décrivit l'odyssée des
grands vers cette île et immanquablement, la barge à moteur bourrée d'étudiants
fut baptisée « Le CAINE », suite à la représentation encore toute
proche. Embarqués au port de KAKONDO, ils débarquèrent à KATONDA. Les moyens
restèrent sur place mais les grands se séparèrent pour gagner LUHANDULA. Les uns
reprirent la barge, d'autres tentèrent la route par la jeep du préfet ou la
camionnette ; les plus courageux allèrent à pied ! Durant le séjour,
l'Archiduc et l'Archiduchesse de HABSBOURG assistèrent avec les grands à la
messe du père CROEGAERT. Le lac, poétiquement bleu, attirait les élèves comme un
aimant. Visites d'îles et sauts dans la flotte s'ensuivirent. Comme toujours, ce
fut un congé inoubliable.
En cette fin février, lors d'une des visites que Mme QUINTENS (photos 1422 et 1423)et son fils Albert faisaient à la maison, j'eus l'agréable surprise d'entendre la maman d'Albert demander à mon père si je pouvais les accompagner pour un périple dans l'ITURI durant les vacances de Pâques. Albert (qui je vous rappelle était dans ma classe) avait tenu sa promesse et avait convaincu sa mère de programmer avec moi un voyage au pays des Pygmées.! Sur la photo 1421, Albert et moi sommes photographiés dans un coin du living de notre nouvelle villa lors d'une de leurs nombreuses visites.
Décidément, les vacances de Pâques seraient grandioses. La première partie serait consacrée au voyage traditionnel de la Poésie au Parc Albert pour une escalade de volcan (Chaîne des Virungas), la seconde partie : la découverte du Nord KIVU et de l'ITURI.
Enfin, on termina d'abord ce congé trimestriel par la
victoire du Victory sur le CFC (4-1) et on s'embarqua pour la fin du trimestre
car les examens étaient toujours bien programmés par nos bons pères jésuites.
Pour une fois, la semaine qui suivit fut entièrement consacrée aux études ! Pas de théâtre, pas de conférences, pas de ciné-clubs ! C'était assez rare au collège que pour ne pas être signalé.
Le 1er mars, le match de volley-ball Victory - ARC fut remporté par le Victory, mais le commentateur d'Orientation qualifia la prestation de « clownerie ». Le lendemain dimanche 2, ce fut l'équipe de basket du Victory qui remporta aussi le match contre l'ARC, mais cette fois la mention fut : qualité supérieure à celle de la veille ! La séance de cinéma ramena le rêve et la poésie avec le film « Une fée pas comme les autres » et surtout le « Ballon rouge » de Robert LAMORISSE . Un ciné-forum costaud « Les Louves » de 57, d'après Boileau-Narcejac, avec François Périer, Micheline Presle, Jeanne Moreau et Madeleine Robinson, le vendredi 6 raccroche les wagons avec le côté sérieux de nos études.
33) Une nouvelle catégorie de jeunes : la « Voyoucratie » !
Le dimanche 9, la séance des « JM » ne fut point boycottée comme prévu grâce à la réelle valeur des artistes. En effet, un petit vent de révolte souffla paraît-il sur la section des grands car une « certaine autorité ( ?) », comme le dit le commentateur d'Orientation, avait émis un « pénible décret » . Un lecteur pourrait-il éclairer les termes de ce décret et nous rafraîchir la mémoire ? Merci d'avance ! Ce dont je me rappelle, c'est que le PIF nous avait qualifiés de « voyoucratie de BUKAVU » suite au nombre impressionnant de billets doux échangés et petits bisous volés lors de rencontres culturelles antérieures. Enfin, on sentait bien derrière son intervention et son accent particulier tout l'humour du bon père qui se doit tout de même d'engueuler pour la formes ses ouailles un peu turbulentes.
Le samedi 15, départ de nos Rhétos pour leur voyage traditionnel au Queen's Elizabeth Park alors qu'une arrivée de taille survint : la camionnette entièrement rafistolée par les élèves après 5 mois de travail fit sa sortie triomphale de l'atelier par ses propres moyens ! Elle nous arriva peinte en rouge et Charles de SEMERIES tout fier fut souvent à son volant lors de sorties futures.
Le dimanche 16, le film la ''Sorcière Blanche'' nous fut proposé.
Et tout doucement mais sûrement, après les examens passés, on en arriva au vendredi 21 mars : le départ en vacances pour trois semaines. Divers camps et activités furent programmés. On voit notamment sur les photos 1424 et 1425 le départ de Jean Marie VANDENDRIESSCHE et d'un des fils DELELIENNE ( ?), je crois, pour un camp avec la troupe congolaise dont JM s'occupait.
Ces vacances de Pâques 1958 furent pour moi
terriblement exaltantes ! La première semaine le voyage traditionnel de la
Poésie m'emporta dans une aventure de groupe inoubliable, la seconde me permit
de vivre une équipée de rêve avec Albert et sa maman, dans une voiture
mythique : la chevrolet Bel Air 1956. Mais procédons par ordre et revenons
au samedi 22 mars à 6h00 du matin.
Une messe nous réunit au collège pour bien entamer la journée. Après celle-ci et un excellent petit déjeuner, nous chargeâmes le camion. Nous nous baptisâmes les ''PIFs'' (Société anonyme mais sans buts lucratifs des Petits Intellectuels Fatigués). Le PIF, donc s'échappa joyeusement de BUKAVU monté sur une cavale furieuse, maîtrisée par un non moins fougueux conducteur : l'autre PIF ! (le père CROEGAERT pour rappel).
Après deux heures et demie de route, une halte bienfaisante
sur le bord du lac fut décidée là où les arbres présentaient des troncs en
arc de cercle, permettant de s'élever dans les branchages assez aisément et de
pouvoir plonger sans risque de remonter avec une bosse. Luc VDD ne put
s'empêcher de nous faire baver par son saut de l'ange tandis que VEKA pataugeait
sous les éclaboussures des plongeons des autres. Après trempette, casse-croûte
et puis re-départ sur GOMA. Sur la photo
1426, Pierre SAILLEZ, le père JACQMOTTE et moi regardions
défiler le paysage un peu avant la plongée vers SAKE. Le passage à GOMA se fit
vers 16 heures et poursuivant sa course folle, notre chauffeur nous amena à la
mission de RUGARI pour 17h15.
Une anecdote nostalgique : sur le parcours entre GOMA et RUGARI, on entre dans le Parc Albert et là nous vîmes un poteau indicateur signalant que nous étions bien dans le parc. Sur la photo 1427, prise le 22-03-1958, on voit entre Victor HERMAN et moi ce poteau portant la mention Parc National Albert. En août 1989, soit 31 années plus tard, je retrouvai ce même poteau lors du voyage souvenir que nous exécutions, mon épouse, Gustave FABRIZI et moi-même (photo 1428 !).
À la mission de RUGARI, l'accueil fut simple mais combien généreux.
Sitôt débarqué, (photo 1429) les pichis Luc VDD et Fabrizi II dit Staf, aidés de leurs mokés (càd tous les autres) se mirent à l'ouvre,. surtout les mokés ! Comme le signalent les rapporteurs SAILLEZ et CHRISTAKIS, je cite :
« Ils s'accrochèrent surtout au programme suivant avec désespoir :
1. Foutre à la porte, avec un coup de pied comme récompense les braves mokés si dévoués une fois le boulot terminé.
2. Essayer d'allumer les réchauds ; mais ceux-ci s'estimèrent trop secoués pour chauffer les casseroles.
3. Allumer enfin les réchauds ; l'opération débuta à 17h00 et, à 19h00, aucun réchaud ne brûlait encore.
4. Avaler les ¾ du repas.
5. Servir le reste.
A 20h00, trop de pifkes, nonchalamment étendus sur leurs
matelas mousses, épiaient d'un oil goguenard l'entrée des prétendus cuistots.
Les pifs ne bougèrent pas tant que les cuistots furent dans la salle mais
aussitôt qu'ils tournèrent le dos, ils se précipitèrent et en moins de 5 secs,
tout était avalé. Généreux, nous leur accordâmes un triple ban qui récompensa
leurs efforts laborieux. Après une mémorable bataille avec l'unique coussin, les
pifs se laissèrent tomber avec désinvolture dans les bras de Morphée, dédaigneux
des averses tropicales qui filtraient à travers un toit supposé
neuf. »
Le lendemain dimanche 23, une messe ''très'' matinale nous
sortit des vapeurs du sommeil. Un souvenir à ce moment m'a profondément marqué
durant cette messe. L'aurore fut subitement remplacée par l'aube, moment où le
soleil perce enfin l'horizon. Nous assistâmes par la fenêtre sans vitre de la
pièce où se disait la messe, à l'épanchement de la lumière du soleil sur le
flanc des volcans environnants à une vitesse remarquable, comme une vague qui
déferle sur le sable. On voyait très nettement la ligne sombre reculer comme si
un immense essuie-glace était entré en action pour chasser l'obscurité. [ Plus
tard, regardant le film L'or de Mac KENNA, dans les années 70, une scène m'a
vivement rappelé cette situation lorsqu'au lever du soleil, un pic isolé étend
son ombre à grande vitesse pour indiquer comme un immense doigt le passage
secret dans le flanc de la montagne.]
Le camion prêt à 8h00 nous emmena à la barrière de la
piste où les porteurs, avertis de la veille, attendaient. Au passage des vues
sur le Mikeno s'étalaient (photos
1430 et
1431). La tradition ne fut pas évitée et après 1heure de
palabre, notre cher Pif, les yeux injectés de sang, cheveux en bataille, parvint
à avoir le nombre normal de porteurs et ce à un prix raisonnable. (Je signalerai
à ceux qui n'ont pas connu ce genre de situation que contrairement aux idées
reçues ces gens n'étaient pas taillables et corvéables à merci comme se
complaisent à l'inventer trop de ''belgicains'' car des normes de poids et de
salaires étaient à respecter rigoureusement.)
Enfin, à 10h00 top, nous foncions dans cette nature
luxuriante propre aux espaces de très vieille lave (photo 1432). La première étape fut facile et après 1 heure et demie
de marche, nous fîmes une petite pose (photo
1433). La deuxième étape se corsait déjà,
car nous entrions dans cette brousse sombre et traîtresse qui cache ses
méchantes surprises comme ces éléphants dont la présence autour de nous
inquiétait le Congolais, chef de piste et responsable des porteurs. Il insistait
régulièrement pour qu'on ne parle pas ; on se croyait revenu à l'étude du
soir !
Au gîte de MYAGA, un repos d'une demi-heure fut le
bienvenu. La photo 1434 immortalise cette pose, on y voit le père JACQMOTTE
surveillant ses ouailles. À côté de lui, Auguste FABRIZI équipé comme un chef,
achève de grignoter une friandise. Pierre SAILLEZ, toujours bien assis fait
semblant d'être surpris ; Klaus HUYS, lui pique son mégot
imperturbablement. Luc VDD lorgne le photographe de son petit air espiègle et
Victor HERMAN, se désole de voir le niveau de sa gourde baisser
dangereusement ! Véka, (Van KERKVOORDE) continue à manger comme si de rien
n'était.
La marche reprit, mais dans la partie de forêt
adjacente aux contreforts du volcan, un incident cocasse se produisit. Au beau
milieu de cette jungle, lourde de senteurs fauves, sous la lumière tamisée par
les feuillages de sycomores arborescents, notre vaillant guide, toujours crispé
par la présence éventuelle d'éléphants, se précipita vers l'arrière en hurlant
« Tembo, tembo ». Une débandade magistrale s'en suivit. Les malles
quittèrent brutalement les têtes des porteurs. Elles s'écrasèrent avec fracas
sur le sol tandis que porteurs et pifs se planquaient tant bien que mal. Les
premiers, Pierre et Luc, bientôt suivis de Gustave, Christakis et moi,
remontèrent la légère pente, ne voyant rien venir et ne sentant pas du
tout le sol trembler sous la masse galopante d'un éléphant éventuel. En fait,
nous découvrîmes un gros buisson auprès duquel émergeaient 2 longues et grosses
échardes de bois d'un tronc cassé en deux par un orage antérieur ; quelques
feuilles bien larges ondulant sous l'effet de la brise locale achevaient de
donner l'illusion d'une vague forme d'éléphant dont les oreilles auraient pu
balancer ! Notre guide était tombé dans le panneau, obnubilé par les
accidents antérieurs, et avait décrété la fuite ; comme c'était lui le
chef. !
On fit le bilan de la casse : seule la malle contenant les cartons d'oufs présentait un problème, le blanc d'ouf dégoulinant de tout côté. Un miracle se produisit, ou tout au moins un prodige accepté comme tel par tous les pifs : la grosse dame-jeanne de vin, en verre entouré d'un manchon tressé de paille, malgré son trajet parabolique, ne s'était point rompue au contact du sol volcanique !
Remis de ses émotions, notre guide penaud, mais assez vite ragaillardi nous annonça pour nous fustiger et reprendre un peu d'autorité qu'il restait 6 heures de marche, ce en quoi il se trompait une fois de plus comme nous le verrons plus tard. Suite à cet épisode de « tembos » nous dûmes traverser 2 champs de lave ; quelques baskets y laissèrent la vie comme d'habitude.
Ce fut alors la véritable ascension. D'emblée deux
groupes se formèrent. Dans le premier, Alain DELVILLE, Victor, Pierre, Luc,
Gustave et moi. Les autres restèrent dans un second groupe et piquèrent
l'expression classique d'Alain en ponctuant leur progression de ''Ouch, quand
même !'' retentissants. Sur les photos
1435,
1436 et 1437 on voit différentes vues duNyiaragongo durant notre
escalade et surtout sur la 1437, le cratère adventif sur lequel nous
devions arriver pour loger avant la montée vers le cratère principal qu'on voit
mieux sur la 1435.
Les premiers se re-séparèrent en deux sous groupes et de ce fait, les tout premiers arrivèrent au gîte après 2h ½ heures ; Alain et moi suivîmes à 10 minutes et le reste de la troupe arriva avec le père JACQMOTTE une demi-heure après. La nuit venait juste de tomber et les lampes « COLMAN » et tempêtes soulagèrent les piles de nos lampes de poche. Le père, assez essoufflé, faillit de pas continuer, mais la persuasion des pifs qui l'entouraient finit par le décider à ne pas nous abandonner . ! [« Et pendant ce temps là. ! » le père CROEGAERT se la coulait douce à la mission où il était retourné.]
Si je récapitule, les premiers arrivèrent vers 18h15 juste avant la tombée de la nuit et les derniers arrivèrent juste avant l'obscurité. Sur ce cratère adventif, le SHABUBENDE, se trouvaient 2 gîtes en aluminium, l'un pour les visiteurs l'autre pour les porteurs. Nous pûmes de là apprécier la colonne rougeoyante provoquée par le cratère toujours en activité. A < À > lui seul le spectacle valait le déplacement. Nous contemplions à quelques centaines de mètres près, cette rougeur que par temps clair, la nuit, à la saison des pluies, on pouvait parfois apercevoir de BUKAVU, cent kilomètres plus bas à vol d'oiseau !
37) Une nuit sur le mont Chauve..
Revenant à des choses plus terre à terre, les cuistots plongèrent dans leurs casseroles, enivrés par leur succès précédent. Les rapporteurs décrivirent les moments qui suivirent par ces mots :
« La nuit froide telle une voleuse, glissait mollement sur le cratère du volcan. Tout autour de nous, le silence. Mais parmi nous, c'est la pagaille. La vigueur et le courage héroïque de Véka ne purent rien pour défendre la dame-jeanne miraculée qui déversait son vin le meilleur dans nos gosiers secs. Le menu englouti en un temps record, le couvre-feu d'une nuit sournoise fut énergiquement sonné. Vers une heure du matin, Véka, cerbère attentif et désintéressé, repoussa violemment Piet qui s'était aventuré trop près de la réserve. C'est ce moment-là que choisirent Totor et Klauske pour se mettre en transe. À l'unanimité, ils furent déclarés dignes successeurs d'un marseillais ''Maurice'' qui nous avait accompagné jusqu'à GOMA et qui nanti de son accent méridional avait tenu le crachoir tout le long du chemin. Staf de son côté, sous l'emprise de quelques vapeurs et se rappelant les aventures ''éléphantesques'' de l'après-midi, composait le poème suivant sur un vieux bout de papier crasseux qu'il trimballait dans sa chaussette gauche à hauteur du gros orteil !
LE VIN
Maintenant il faut boire et puis boire, et puis boire
Le vin émoustillant et glauque de Bacchus
Ce breuvage immortel que gobait Silenus
Entonnant de sa voix l'écho magique :
Boire
Comme les Olympiens assis autour de Zeus
Sirotaient de l'Ambroise onctueuse et divine
Sur leNyiaragongo, cette liqueur câline
Nous rendra immortel et semblables à Zeus
Rinçons nous, rinçons nous, par double ou triple dose
Car demain, qui le sait ? Quelque monstre des bois
Derrière les futaies se trouvant aux abois
Pourraient nous charger. Mais ça c'est autre
chose !
Aussi lion ou tigre ou pachyderme gris,
S'ils attaquent nos corps par le vin rendus troubles
Rateront leur assaut, car leurs yeux verront double.
Nous voguerons alors aux éthers infinis. »
38) L'assaut final, mais pas le grand saut
L'aurore nous vit à nouveau plein d'ardeur malgré la courte
nuit et nous partîmes pour la gloire. Ce fut d'abord la descente de 10 à 15
minutes dans une sellette formée par la proximité des deux cratères puis
la montée définitive des 600 mètres qui nous séparaient du sommet de ce fameux
cône de lave sans végétation et aux pierres coupantes.
À maintes reprises, à la fois pour retrouver mon souffle mais aussi, me souvenant de mon escalade de 1957, je m'arrêtais pour me retourner et profiter à nouveau de ce spectacle grandiose de l'immense plaine parsemée de cratères qui sous le soleil levant prenait des couleurs crues comme celles d'un tableau de Van GOGH !
Vers 07h00, après donc une petite heure de grimpette, nous arrivâmes au sommet. Comme lors de l'expédition précédente en 57, le guide insista pour que les quelques derniers mètres soient franchis à quatre pattes et doucement afin de ne point souffrir de vertige lorsque brutalement s'ouvrirait devant nous le gouffre de 200 mètres à pic atteignant la première plate-forme. Malgré ces conseils, deux pifs dont Auguste faillirent y valser. Sur la photo 1438 on voit très bien la coupure verticale du cratère.
Je cite le commentaire des rapporteurs d'Orientation :
« A 07h00, ils franchissaient les derniers mètres. Deux pifs, rendus hystériques par le surmenage scolaire, décidèrent de mettre fin au supplice sanglant des examens en plongeant dans la lave incandescente. Staf en fut tant ''verbaucré'' qu'il débobina d'une seule traite, une guibolle tendue vers l'Orient et la tête tournée vers l'Occident une série de sons rauques que les pifs reproduisirent ici :
NYIRACONGO
Dans les profondeurs insondables du profond
Nyiaragongo,
mille et mille bosses se gonflent
Et partout et toujours, en son ventre profond
Coule en lave que ses entrailles éclaboussent.
Rouge, mauve, bleue, s'étend une mer de feu
Qui fond aux fonds grondants entourés de fumée
Les parois résonnent en des sons caverneux
Qui se répercutent aux roches embrasées
Qu'il fait bon, vivre là-bas
Seul
Ignoré du monde
Ignorant le monde
Seul
Encerclé de nuages bas
Et de vapeurs roses
Seul
Sans peine ou cafard ni soucis
Mais toujours dans ces feux amis
Seul
Et sans fleur éclose.
Oui, là je m'en irai
Vivre ma vie
Dans la brume
Sous les vents
Seul
Car Sud, Ouest
Est et Nord
Ne sont que bois
Que monts
Que ciel.
Et quand mon cœur de tout sera lassé,
Déployant ses larges ailes toutes blanches
Par delà les éthers, par un souffle chassé,
Cherra, enfin devant Saint Pierre à barbe blanche,
Le vieux patriarche, de son doigt tremblotant,
Me montrera mon corps, petit, imputrescible,
Par les laves étanches devenu invisible,
Nulle lâche larve ne rongera mon flanc.
Demain, quand sonnera
L'heure dernière
On verra
Les corps miteux de certains compagnons
Qui jadis fouillèrent de comble en fond
Et champs de lave et forêts, spectre immense
Où tout être se trouve sans défense.
Mais mon âme
Par dessus tout cela
Flottera
Comme une flamme
Narguant tous ceux là-bas
Qui après ma mort
Doivent malgré eux
Haleter
Pour aller aux cieux.
Staf le Romantique ! »
« Vous voyez comme on pouvait déconner à cet
âge, impressionné que nous étions d'avoir côtoyé la possibilité de faire le
grand saut. »
Enfin calmé, le groupe profita durant une demi heure de visions à la fois dantesques et merveilleuses. Il faut dire que la piste utilisée cette fois, nous avais amenés du bon côté du volcan car nous pouvions voir aussi le fond de la cuvette centrale. Le magma gris mouvant comme de la pâte dans le pétrin électrique d'un boulanger, se fendillait toutes les quelques secondes pour laisser s'échapper une fumée âcre de soufre et par endroit, la croûte cédant sous la pression des gaz, explosait en geysers de lave rougeoyante retombant en pluie. Sur la photo 1439, on voit nettement la colonne de fumée et la disposition des différentes terrasses à l'intérieur du cratère. La photo provient de l'avion utilisé pour la cartographie. Cet avion était le petit Doover, genre de DC3 en réduction, piloté d'ailleurs par le papa d'un élève du collège.
39) Retour aux sources jusqu'au lac..
Enfin, il fallut cesser de contempler ce gouffre où
éclataient ces bulles incandescentes. Le père Préfet nous avait donné
rendez-vous et il ne fallait pas le manquer. La descente du cône se fit
évidemment nettement plus vite que la montée tout en remplissant nos mémoires
des images des plus particulières et quasi lunaires de cette plaine parsemée de
cratères éteints et des autres volcans garnissant l'horizon.
Un peu essoufflés malgré tout, nous terminâmes les préparatifs de départ du gîte et prîmes une photo souvenir (1440) sur laquelle on voit en haut de gauche à droite : Gustave, Victor, Moi, Joseph MOUBAX, le père JACQMOTTE, Christakis et Pierre. En bas de gauche à droite on trouve : Alain, Véka et Luc. Manquent à l'appel notre ami Auguste (?) qui musardait encore quelque part en brousse avec Klaus et Piet ! (Si Klaus ou Piet ont des photos complémentaires, qu'ils n'hésitent pas à les envoyer !)
En route vers 10h00, nous mîmes 5 heures et 10 minutes pour revenir au point de départ ! Il nous avait fallu plus de 7 heures et demies pour arriver au gîte, la veille.
Evidemment, la cavale (nom donné couramment à notre véhicule) manquait au rendez-vous ; et pendant que notre président JACQMOTTE recherchait le déserteur, les pifs se calèrent dans la lave et se consolèrent en sifflant en un tournemain la moitié de la dame-jeanne de vin, le restant des gourdes et les bonbons de Klaus ! Le père CROEGAERT, dolce farniente aidant (. ?), avait oublié l'heure de rendez-vous qu'il nous avait donné !
On nous rapporte dans Orientation :
« Devant la somnolence du groupe, le général VDD dénicha un vieux tintin, grimpa sur un arbuste calciné et pareil à Cicéron sur les rostres romains, interpréta à sa façon les histoires qu'il tâchait de lire. La conséquence ne tarda point : en un temps record, les pifs ronflaient à poings fermés. Notre monture arriva enfin. Obnubilés par les vapeurs vineuses les pifs se portèrent en flageolant jusqu'à la cavale en braillant à tue-tête : ''C'est à boire , à boire .''
On revint sur RUGARI reprendre le reste du matériel. De là, départ sur GOMA ou monsieur MOUBAX nous paya une tournée au MIKÉNO. Quel plaisir cette Primus.
Nous repartîmes vers Kéa, près de Bobandana à la plantation
des parents de Jean DOYEN alors en rhétorique. Ils nous réservèrent un accueil
des plus coloniaux : chaleur, convivialité et tout et tout ! Ils
comblèrent nos moindres désirs. Qu'ils en soient chaleureusement remercié.
Comme souvent, la nuit fut particulièrement ensanglantée et féroce, si bien que le Pif (l'autre) nous adressa un « Ignooobles chahuteurs » aussi poétique que charmant. »
Après déjeuner, vacances de milliardaires ! Malgré les noms d'oiseaux donnés par notre préfet, il permit qu'une petite vedette vienne nous cueillir sur le rivage de la propriété qui était au bord du lac et nous fîmes vers le Nord une mini-croisière. Nous arrivâmes 20 minutes plus tard près d'un jardin magnifique bordant l'eau. Là, nous avons nagé, nous nous y sommes battus, débattus et encourus. La photo 1441 illustre ces moments de folie ; Luc et Klaus essaient de trouver leur équilibre sous l'œil amusé de Véka et d'Auguste.
40), Enfin, tout a une fin à la fin des fins !
Nous réembarquâmes dans notre camion et notre cavale indomptable et rebelle (surtout quand elle est pilotée par notre cher père préfet) nous ramena quelques heures plus tard au bercail. Les lumières n'étaient pas encore allumées à BUKAVU. Le débarquement se fit dans le silence afin de respecter le deuil causé par le décès du frère OOYEN.
Après un dernier shake hands, tout notre petit monde se dispersa et s'en retourna, décidé à se retrouver dès la rentrée. Nous avions vécu une magnifique expérience de vie ensemble et des liens étroits s'étaient tissés entre nous.
Les PIFs reprenaient contact avec le monde civilisé ;
une belle aventure se terminait. Une autre allait commencer !
41 Une aventure à l'américaine (photo 1442) - A : le Parc Albert
Grâce à une maman bien organisée et à notre boy de première classe, tout mon équipement vestimentaire fut remis d'aplomb et je fus prêt pour le deuxième round des vacances. Le surlendemain, Albert et sa mère arrivèrent de grand matin et l'embarquement commença. Tout le coffre et la banquette arrière étaient remplis de matériel. En bons voyageurs congolais, ils prévoyaient que nous aurions sans doute à loger autre part que dans des hôtels ou guest houses. Une tente bien costaude et du matériel de camping étaient prévus pour le logement en brousse.
Le voyage débuta en reprenant la route de GOMA que
j'avais parcourue dans l'autre sens quelques jours auparavant. L'ambiance était
merveilleuse et bien placés sur l'immense siège avant de la Chevrolet, la
conversation allait bon train. Un incident faillit toutefois briser notre
enthousiasme. Nous entamions le premier escarpement après KAVUMU lorsque dans un
tournant assez serré, en montant, nous nous trouvâmes face à face avec une
camionnette qui elle descendait allègrement la pente. Le coup de frein brusque
fit que nous avons stoppé quasi sur place puisque nous ne roulions pas vite et
étions en côte. L'autre véhicule freina aussi à bloc, mais l'inertie des masses
jouant et surtout la descente firent qu'il termina sa course contre le pare-choc
de la Chevrolet. Pas de casse, juste un léger renflement sur les pare-chocs.
Après un moment de surprise, nous vîmes jaillir de l'autre véhicule une espèce
de « roquet » en uniforme qui commença à hurler comme Gérard Jugnot
dans 'Papy fait de la résistance' en nous déclarant que nous roulions
imprudemment et que nous entendrions parler de lui. Aussitôt, Albert plongea sur
son appareil photo et fit mine de prendre des photos, afin de démontrer que
c'était leur véhicule qui était le plus au centre de la route. Voyant cela, le
gars éleva encore le ton d'un cran. À ce moment, Madame QUINTENS en
quelques mots cinglants remit en place le gars qui s'étouffant de colère,
croyait que son uniforme allait nous impressionner. Sortant alors du véhicule,
une personnalité en civil pria le « roquet » de se calmer, présenta
ses hommages et ses excuses à Madame QUINTENS ; ils reprirent alors la
route aussitôt sans autre forme de procès. Je me suis dit à ce moment
qu'accompagné d'une dame d'une telle personnalité, rien ne pouvait nous
résister. Et le voyage reprit. (photo
1443 : la carte de la partie
Rutshuru SUD ; photo
1444, Sud et Centre). Comme nous étions
dans une voiture confortable aux performances excellentes, nous eûmes
l'opportunité d'être le soir même à la Rwindi au Parc Albert et de nous
installer au guest-house afin d'y apprécier un délicieux souper aux lueurs crues
des lampes COLMAN. Nous nous étions arrêtés auparavant aux chutes de la
Rutshuru (photos 1445 et
1446) et aux « maya moto » de
l'entrée du parc. Le lendemain, après une bonne nuit de repos dans les
chambrettes en béton de l'époque, nous fîmes les pistes traditionnelles l'avant
midi, les Vitshumbis, le lac Edouard, les hippopotames de la Rwindi (photo
1447), la plaine bourrée de buffles,
d'antilopes, de phacochères et d'éléphants. Quelques cynocéphales vinrent aussi
se gratter contre les pavillons. Enfin, mis à part les lions, nous vîmes à
profusion tous les animaux qui traditionnellement peuplent le parc. Après cette
journée riche en images, nous profitâmes de la douce ambiance tropicale du
resto de la Rwindi.
Une petite parenthèse à ce point du récit pour vous
signaler qu'à première vue cette escapade n'est pas en fait une activité du
'collège' mais un voyage privé et que donc, je m'écarte du but poursuivi :
relater les activités du collège. À y regarder de plus près, j'ai choisi
de vous conter cette épopée car je vivais enfin ce que j'entendais raconter
depuis 3 ans : le voyage de retour d'élèves dans le nord, par la route et
non par avion comme d'autres le faisaient. C'est donc en pensant surtout à ces
copains que je vous propose de re-suivre cette route vers le nord en rappelant
pas mal d'endroits incontournables que beaucoup de ceux qui habitaient Butembo,
Béni, Bunia, Irumu voyaient au passage.
Un rappel : André vous narre son premier départ avec son petit frère et ses cousins de Bunia, Irumu en 1949.. toute une épopée, voir première partie, chapitre 10, sous-titre r !
Le lendemain, nous reprîmes la route et laissant à notre droite le monument du roi Albert, (promoteur de la création des parcs nationaux), nous gravîmes l'escarpement de KABASHA (17 km). Dès le début, un magnifique panorama de la vallée de la Muhe, des plaines du par c et du lac Edouard nous apparus. Nous grimpâmes ensuite vers le village de KANYABAYONGA. (Photo 1448 : l'escarpement de Kabasha, vu de la Rwindi ; 1449, la plaine de la Rwindi vue de l'escarpement )
Je marque un point d'arrêt pour vous conter une aventure peu banale qui m'est arrivée 31 ans après au même endroit. En effet, lors du périple de 89 dont je vous ai déjà parlé à propos de la plaque du parc, je me suis retrouvé aussi dans cet escarpement un peu avant d'arriver à KANYABAYONGA. On s'était arrêté pour prendre quelque dias et là, stupeur et effarement ! Nous vîmes descendre vers nous, en vélo un européen de 67 ans. Stupéfait, devant une scène pareille, je lui demandai : « Mais d'où venez-vous ? ». Et avec l'accent typique du sud, il me rétorqua aussi sec : « Je viens de Marseille ! ». Nous venions de rencontrer monsieur Joseph CAPEILLE, retraité de l'EDF, âgé comme signalé plus haut de 67 ans et qui en était à son second tour du monde en vélo (photo 1450). Il était passé à la TV 2 ans auparavant. Il nous donna l'adresse de son épouse à Marseille et nous lui jurâmes de donner de ses nouvelles à son épouse une fois rentrés en Belgique. Nous le fîmes comme promis et elle fut heureuse d'avoir des nouvelles de son Joseph, car il était parti depuis presque un an et elle n'avait reçu que des courriers, jamais de message de vive voix.
43) Une
aventure à l'américaine - B : Le nord Kivu
Enfin, revenons à notre périple.
À KANYABAYONGA, on laisse à notre gauche la route de SAKE qui vient d'être ouverte et qui permet d'aller aussi vers les lacs MOKOTO et ensuite passer par les MASISI avant de descendre directement sur SAKE et la route de BUKAVU. Dans ce village, je me rappelle qu'il y avait le long de la route des artisans qui fabriquaient de magnifiques objets en ivoire.
Continuant à monter à travers les collines herbeuses, on
passe à KANYA (tout court) et là à 1740 mètres, l'hôtel
des « Trois Canards » vous accueille chaleureusement, surtout son
âne qui n'hésitait pas à entrer dans la salle de restaurant et vous mordiller
l'épaule pour quémander une tranche de pain. Sur la pelouse, quand j'y suis
passé, 3 bébés chimpanzés, recueillis depuis peu, faisaient des galipettes et
cumulets à n'en plus finir, pour la plus grande joie des hôtes du restaurant.
Nous y engloutîmes une énorme omelette-frites. Après un solide café, ce fut la
route vers un point culminant à 2600 mètres. Ce fut ensuite le dangereux
escarpement de MATEMBE et enfin ALIMBONGO au km 223 par rapport à GOMA. Un peu
plus loin, vers la gauche au km 236, on va à MAMBASA, centre administratif avec
de part et d'autre une forêt à haute altitude qui fut antérieurement l'habitat
de nombreux gorilles qui se faisaient rares à cause de l'occupation intérieure
de la région. La route tout en serpentant se trouve sur la crête
« CONGO - NIL » avec alternance de pâturages de « KIKUYU
GRASS » mélangée au trèfle et tout cela créé par des colons élevant du
bétail 'friesland'. Un peu plus loin, au passage de la KANABIRO, les vendeuses
de fraises du KIVU étaient au rendez-vous ! Juste après, on traverse la
réserve forestière du roi Albert et au col, un magnifique panorama nous montre
le poste de LUBERO et la vallée. À cette altitude, (1950 m) on trouvait à
peu près tous les légumes d'Europe ! C'est aussi pas loin de LUBERO que se
passa la bataille de la LINDI, remportée par celui qui devint le « général
Chevalier Henri de la LINDI », adulé de ses hommes ; ceux-ci
l'avaient surnommé « Bwana N'DEKE » car il avait l'art de se
déplacer avec la facilité de l'oiseau pour surprendre les esclavagistes et les
mutins.
(photos 1451 et 1452, vues de LUBERO).
Passé LUBERO, au km 270, on dépasse les grands
« Moulins du KIVU » qui traitaient le froment produit dans la région
et le long de la route fleurissaient de petites boutiques avec de petites
plaques où était écrit 'boulanger'. Leur pain était bien sûr fabriqué au départ
de la farine obtenue sur place.
On tombe alors sur la grande mission catholique des Pères Assomptionistes et des Sours Filles de Marie, Notre Dame de MULO Ste Thérèse. (Grosse école normale, école pour fils de chef et pour moniteurs et monitrices). Ensuite, rebelote pour un passage de col et descente dans la vallée de la Biéna. On dépasse la mission de LUHOTU ainsi que la ligne de l'équateur vers 2200 mètres avec un magnifique panorama. La descente s'amorce et se termine en contournant le pied du mont LUBUE (sommet à 3350 m).On n'est plus loin de BUTEMBO ! De part et d'autre de la route, pour ceux de l'endroit, il y a plein de buts de promenade : gorges de la Lubero, confluent de la Lindi ; belles chutes de la MOSOA ; MANGUREDJIPA, centre minier où furent découverts des objets préhistoriques ; chutes de la LOPO ; excursion à VUHOVI qui domine la TALIA, affluent de la SEMLIKI !
Enfin BUTEMBO, au km 329, 200 km ont été franchis depuis la Ruindi. Le guest-house nous accueillit à bras ouvert et après un solide souper, un pavillon fut mis à notre disposition et une sacrée bonne nuit de sommeil nous terrassa. (photos 1453 et 1454 )
Le lendemain, en route pour BENI ! Traversée de jolis villages en suivant la route qui serpente le long de la LUHULE. Passé KARIBUMBA avec sa tuilerie, on atteint le point de vue sur la grande forêt équatoriale, où un belvédère fut construit par l'administrateur territorial de BENI. De là, on dégringole le petit escarpement qui amène à MUKULA, noud routier « MAMBASA - STAN et transafricaine ALGER - BANGASSOU - PAULIS - MOMBASA - LE CAP ». Enfin, 5 km plus loin, BENI s'offre à nous. Nous terminâmes à BENI ce que l'écrivain Tom MARVEL avait baptisé « la route de la beauté » ! Nous quittions les routes du grand tourisme de l'Est du Congo.
44) Une aventure à l'américaine - C : L'Ituri
À la sortie de
BENI, nous laissâmes à droite la route vers KAMPALA et MUTWENGA pour passer un
peu plus loin par MBAU avec comme environnement la savane boisée. Après OYSHA
et KISIKI, nous quittons la province du KIVU 55 km au delà de BENI. Se
succèdent alors Bwana SURA et IDOHU. Après quelques km, on trouve le
raccordement avec le site du Mont OHYO (où furent tournées quelques séquences du
film « Les mines du roi Salomon » avec Stewart Granger et
Deborah Kerr ). On est alors revenu dans une forêt magnifique où l'on peut
croiser ces fameux pygmées. Un petit couac survint alors dans le voyage. Nous
fûmes très mal reçus à l'auberge du Mont OHYO. Ceci nous incita à repartir au
plus tôt après le repas, la matrone qui nous reçut, de très mauvaise
humeur d'ailleurs, nous fit comprendre qu'elle voulait la paix et qu'elle
n'avait personne pour nous faire visiter les grottes.
note : « André BONSANG me fait ici remarquer que lui et ses parents n'ont sans doute pas rencontré cette même dame acariâtre, car ils l'ont visitée cette grotte extraordinaire, quelques années plus tôt. Visite avec lampe Colman à peine suffisante pour éclairer des salles aussi grandes que des cathédrales. Ce qu'il y a d'extraordinaire dans ce site, c'est que deux animaux y vivent en parfaite harmonie : des millions de chauves-souris, accrochées à toutes les murailles des galeries se nourrissent d'une petite blatte qui y pullule et se nourrit des défécations de la chauve-souris. Défécations bien sèches qui forment un épais tapis moelleux sur lequel se promènent les très rares visiteurs et leur guide muni de sa lampe Colman. Des savants prétendaient à cette époque que c'est peut-être là, en pleine Afrique centrale qu'aurait commencer la grande aventure de l'homo sapiens et que serait née l'humanité. »
La
forêt nous ré engloutit et juste avant d'en ressortir, quelques personnes
quittant les taillis, se mirent à longer le bord de la route (photo
1455). Il s'agissait manifestement de Pygmées. Une des dames,
portant d'ailleurs un bébé sur le dos, décortiquait un morceau de canne à sucre
avec un couteau de fabrication artisanale. Nous nous arrêtâmes et bien que ne
parlant pas leur langue mais en baragouinant notre swahili, nous finîmes par
très bien nous comprendre. Aussi, nous leur avons acheté couteaux, arcs, flèches
empoisonnées et siège à palabre. Tous ces souvenirs, se trouvent regroupés dans
mon bureau et tout en écrivant, je ne puis m'empêcher d'y jeter un oil. Ce fut
une rencontre chaleureuse ; je suis sûr que nous fûmes roulés quant au prix
que nous avions payé mais nous n'en n'avions que faire puisque les deux parties
se quittèrent heureuses ; l'une d'avoir très bien gagné sa journée, l'autre
de détenir des objets de la vie courante et « not for
tourists » ! Enfin, après cet intermède, la bifurcation de KOMANDA se
présenta et nous prîmes la direction d'IRUMU. C'est là sur cette route de haute
savane que nous trouvâmes un endroit pour camper. On s'installa pour deux nuits
qui nous laissèrent malgré la proximité de l'équateur une impression de douceur
délicieuse. La nuit, une brise légère atténuait l'effet « chaudron ».
Nous passâmes deux jours, fusil à l'épaule tout en nous promenant dans la savane
et la brousse avoisinante. Chaque fois, nous ramenions ramiers et pintades.
Comme nous avions le matériel ad hoc, nous vécûmes deux jours de brousse
inoubliables. (Lors de la projection du film 'Out of Africa', souvenirs
d'Afrique de Sidney Pollack, avec Robert Redford et Meryl Streep, je me surpris
à retourner dans mes souvenirs ces soirées de brousse, près du feu de camp
autour de la table de camping et d'un repas agréable.)
Enfin, nous repartîmes et après quelques km, Albert et sa maman ne résistèrent pas à faire un petit pèlerinage : le tour de la piste d'aviation d'IRUMU pour débusquer quelques perdrix ! (photo 1456) De la fenêtre de la Chevrolet ce fut difficile d'ajuster des tirs de ce type, du coup, les carabines retournèrent à l'arrière. Nous fîmes plusieurs fois le tour pour nous imprégner des images de cet endroit qui fut si vivant auparavant puisque ancien chef lieu du district et de territoire qui fut remplacé par BUNIA suite au développement des mines de KILO MOTO et leur raccordement via BUNIA au lac ALBERT.
note : Ici je ne peux passer sous silence le texte suivant, l'information étant de taille : « André B. qui a habité Irumu, puis Bunia en 1954 et 55 me dit que c'est justement son second père, Jean WARNANT, commissaire de district d'Irumu puis de Bunia qui procéda au changement de chef-lieu. C'est aussi lui qui fit construire la piste de trois kilomètres de long pour avions à réaction à Bunia. »
45) Une
aventure à l'américaine - D : Petits frissons et grande chaleur
50 km plus loin, c'est NDELE avec la bifurcation vers KASENYI. Quatre km plus loin, nous étions à BUNIA et un petit tour en ville nous fit découvrir les diverses avenues et notamment le siège régional des camions « VICICONGO », ces fameux camions qui sillonnaient tout le Congo à une allure d'enfer conduits par des chauffeurs congolais particulièrement expérimentés. Impatiente d'arriver au lac ALBERT, Madame Quintens nous proposa de descendre sans tarder vers KASENYI avant la nuit. On repassa NDELE et l'on tourna alors vers la gauche et dépassant le restaurant du mont RHINA. Au km 27, nous arrivâmes à BOGORRO, situé au sommet d'un escarpement dégringolant vers le lac mais présentant des tronçons à voies uniques. Photo 1457 (Une parenthèse pour vous rappeler que c'est pas loin de BOGORRO, à KAVALLI pour être précis, que STANLEY découvrit le RUWENZORI en mai 1888.)
La liaison autorisant le passage dans l'escarpement se faisait à l'aide d'un téléphone à grosses piles datant de l'âge de la pierre. Armés de patience, et faisant la file le long d'un talus avec plusieurs véhicules, nous ne pouvions nous empêcher de rigoler, Albert et moi en regardant le préposé au téléphone. Celui-ci, sachant qu'il était nanti d'une autorité non négligeable puisqu'il réglementait le passage, gardait désespérément ses deux grosses lèvres plaquées contre le micro du combiné et l'on entendait des sons incompréhensibles ponctués de nombreux allo, allo !. De temps en temps, lorsqu'un camion ou deux étaient montés, il donnait son autorisation pour laisser passer quelques véhicules dans l'autre sens, mais toujours sans décoller ses lèvres du combiné, comme s'il avait peur qu'un autre ne lui pique. Nous fûmes persuadés Albert et moi, qu'en fin de journée, il devait laisser quelques cm2 de peau de lèvres collés sur cet appareil !
Note : André,
toujours lui, me dit qu'étant passés par là quelquefois, ils ont eu une fois la
très désagréable surprise, en descendant l'escarpement de rencontrer un camion
qui montait ! « Mon père, Jean WARNANT, s'est collé à la paroi
rocheuse et a laissé passer le camion, côté ravin. Le chauffeur avait la porte
ouverte, prêt à se jeter sur la route si son camion dévalait. La roue extérieure
des deux roues jumelées à l'arrière droit du camion tournait dans le vide !
Mais tout se passa bien. C'est dans cet escarpement de Kasényi que furent prises
quelques images du film Tarzan s'évade avec Johnny WEISTMULLER. »
Et c'est à Bogoro qu'eut lieu la fameuse réunion de famille dont parle André dans ses souvenirs, chapitre 10, sous-titre r. Voir aussi photo 262 dans la première partie.
Avant que notre tour arrive, nous eûmes une petite frayeur bien compréhensible car, sur le talus jouxtant la route, passait un troupeau de vaches. Manque de bol, l'une d'entre elles, rate un pas et glisse le long du talus et finit par tomber sur la Chevrolet, côté chauffeur. L'animal effrayé, nous aussi et son propriétaire, cela faisait un beau tableau pour essayer de dégager l'animal. Mme QUINTENS, coincée, ne sachant pas ouvrir sa porte puisque la vache était entre le talus et la porte, râlait des barres ! Albert et moi sortîmes du véhicule, mais à ce moment, l'animal se dégagea et son propriétaire dut courir pour l'empêcher de s'engager dans l'escarpement. L'incident plutôt cocasse laissa tout de même un goût amer dans la bouche de Mme QUINTENS lorsqu'elle découvrit que sa porte était un tantinet enfoncée et coinçait à l'ouverture. Enfin, ce fut notre tour et nous commençâmes la descente.
L'heure tournant, nous voulions arriver au bas de l'escarpement avant la nuit. Ce fut tout juste. La nuit fut complète en arrivant en bas. De 1450 m, altitude de BOGORO, nous avions plongé vers 650 m ! Le même phénomène qu'entre BUKAVU (1460) et USA (771 m) nous attendait. La t° avoisinait les 30 degrés à 18h40 malgré la présence du lac. Et ce ne fut pas fini !
Nous trouvâmes un guest-house composé de pavillons ayant des salles de bains en béton lisse ! Après une monstrueuse omelette - frites, arrosée de Primus, nous nous mîmes au lit. Et là, pour la première fois au Congo, j'ai passé la moitié de la nuit dans la baignoire tellement la température nocturne était ahurissante. Les draps étaient à tordre. Expérience inoubliable. !
Le lendemain, après le petit déjeuner, nous allâmes vers
KASENYI (port sur le lac Albert) tout proche où nous
eûmes le plaisir de visiter les pêcheries de la firme « ANCIAU » (un
homonyme). Je découvris dans les salles frigorifiques des filets de capitaine
aussi grands que moi ! Ce fut impressionnant. En ressortant de ces
installations, inutile de vous dire que ce fut comme si nous entrions dans un
four !. La température était intenable. Nous fîmes une excursion sur
la rive occidentale du lac et je fus étonné d'y voir des buffles, à proximité du
poste. On n'est pas habitué à ce genre de chose à BUKAVU. Le sécheresse était
telle cette année-là que la plupart des excursions sur la SEMLIKI étaient
annulées, les barges restant coincées dans les bancs de sables. Nous décidâmes
de nous reposer sans cuire et nous repartîmes vers BOGORO où l'hôtel LAGORA nous
tendit les bras. Depuis BUKAVU, je vivais sur les chapeaux de roues, allant de
découvertes en découvertes. Je savourais au maximum tous les paysages que je
voyais me répétant souvent que je n'aurais pas cette chance deux fois. Je me
souviens d'ailleurs qu'à plusieurs reprises, Mme QUINTENS s'inquiétait et me
demandait comment j'allais, car elle me voyait taiseux, figé, comme en dehors du
temps présent. Je lui répondais immanquablement : « je grave ce que je
vois, car tout est magnifique ! ».
La fatigue fit son effet, et nous passâmes 2 jours à nous prélasser et à juste pousser des pointes jusqu'à BUNIA pour y siroter des boissons rafraîchissantes.
46) Une
aventure à l'américaine - E : Le retour hélas.
Les jours passaient et les vacances de Pâques diminuaient. Nous prîmes le chemin du retour et c'est là que la magie du paradis sur terre se réalise ! En effet, au retour, ce que nous avions vu à l'aller nous permettait de découvrir des faces différentes de mêmes paysages. La succession infinie de coins merveilleux vous saoule de poésies et d'émotions diverses.
D'y penser maintenant, en 2006, sachant que les financiers ont mis à feu et à sang ce KIVU pour mieux s'en approprier les richesses, m'enrage et me conforte dans ma dénonciation des crimes commis par ces multinationales diverses qui par ethnies interposées pillent cette magnifique région en sacrifiant des centaines de milliers de vie humaines (rapport de l'ONU à l'appui !).
Enfin, fermons cette sinistre parenthèse et revenons à BUKAVU où il fallut se rendre à l'évidence : nous devions affûter nos esprits pour le trimestre final.
Je serai et suis d'ailleurs toujours reconnaissant à
Albert et sa maman de m'avoir donné l'occasion de découvrir un Congo différent
de celui de BUKAVU et de ses environs. Je comprenais enfin l'engouement des
internes quand ils me racontaient avec passion leur périple vers le nord et leur
maison paternelle. Tous ces mots magiques comme BÉNI, BUTEMBO, IRUMU, OHIO,
KASENYI prenaient des couleurs précises lorsqu'on discutait entre
collégiens.
La dernière semaine de vacances se passa en diverses
activités scoutes. Le centre provincial de la MUKUGWE pour les mouvements de
jeunesse tournait à temps plein et j'eus l'occasion d'y diriger un feu de camp
réunissant toute une série de troupes congolaises et celles de la cure et du
collège. C'était une des dernières épreuves que j'avais à passer avant de réunir
toutes les conditions pour avoir mon badge de la couronne. Sur la photo
1458,
on reconnaît de gauche à droite : Guy NOTTÉ, moi, Paul et sa maman. Sur la
1459,
un grand rassemblement illustre la collaboration des routiers de notre clan avec
les troupes congolaises où nous étions conseillers techniques. Sur la 1460,
on voit un moment de détente de la troupe de la cure, Jacques GENIS y est très
reconnaissable. Si d'autres se reconnaissent, qu'ils nous le fassent
savoir ! Sur la 1461,
Luc, Paul et le père SOMERS sont réunis avec Christian REMY, aux lunettes
noires, un des fils DELELIENNE et un garçon de profil que je ne reconnais pas.
Les photos 1462 et
1463 montrent deux phases du retour des lutins et des guides
après une journée bien remplie. Sur les photos
1464 et
1465, on peut voir en pleine activité la clique du collège
d'une part et celle des Xavériens d'autres part. Les grandes journées scoutes
étaient souvent soulignées par leurs prestations.
Pour ne pas faire mentir la tradition, la photo
1466 montre à nouveau une des promenades type : voir
arriver les zincs à KAMEMBE et accueillir les rentrants.
Durant ces vacances, mes parents n'étaient pas restés cloués à BUKAVU, ils avaient aussi été faire leur petit tour au parc Albert et sur la photo 1467 on reconnaît les hippos de la Rutshuru, sur la 1468, les marabouts des VITSHUMBIS, sur la 1469, un éléphant solitaire et des buffles sur la 1470. Repassant par la plantation de la famille BERTHOLET, dont l'un des enfants était dans sa classe, mon père ainsi que ma mère eurent l'occasion de voir un éléphanteau orphelin de la veille (photo 1471) . En effet, autorisé à éliminer les éléphants qui détruisaient sa plantation, Mr. BERTHOLET avait eu à abattre un éléphant la nuit qui précéda l'arrivée de mes parents. Il constata après avoir officié qu'un éléphanteau restait en rade et l'avait recueilli. Pour information, il fallait toute une grosse boîte de KLIM (lait en poudre) par jour, pour les biberons de ce nourrisson ! Au retour, on voit mon frère et ma mère dans un champ de lave sur la route de SAKE (photo 1472). Rentrés at home, ils profitèrent des derniers jours de vacances pour apprécier le farniente avant la dernière étape (photo 1473 : mon père et ma mère relaxent sur la devanture de notre villa).
note : « Christian et André Bonsang ont aussi élevé un éléphanteau durant trois semaines à Watsa, Ituri. En effet les chasseurs indigènes avaient le droit de tuer des éléphants, mais non des éléphantes accompagnées de leur petit. Or un chasseur indigène en avait tué une prétendant qu'il n'avait pas vu l'éléphanteau. Comme leur papa était administrateur de territoire, le chasseur lui avait amené l'orphelin. Durant trois semaines de vacances, en attendant d'aller le reconduire au camp de L'Épulu, André et Christian ont joué à la maman éléphant. Un petit comme cela a un besoin constant de se coller et de suivre avec sa trompe toute personne qui s'occupe de lui. Il peut courir vite. Il montait les escaliers de la barza et pénétrait dans la maison. Il avalait goulument quatre ou cinq grosses bouteilles de lait avec tétine. Le seul problème était la nuit : il gémissait tout le temps parce qu'on l'enfermait dans le poulailler où il se sentait bien seul.
Le dimanche 13 avril, rentrée des internes. : le commencement de la fin !
Le lendemain, faisant défaut à la tradition, pas de proclamation et nous perdons une heure de congé. La semaine se passe dans le calme, il faut le temps de se reposer des vacances. Le dimanche 20, le Victory pas encore défatigué se fait posséder par l'UFC : 0 - 2.
C'est rare, mais de temps en temps des accidents surviennent : cette fois, c'est un touriste éméché qui rate un virage le mardi 22 en descendant au bassin ; heureusement, il y eut plus de peur que de mal. Je rappelle qu'en 56, un chemin carrossable avait été tracé vers le bassin et les voitures pouvaient arriver assez près de l'endroit où l'on nageait. Rappelez-vous d'ailleurs l'incident du bulldozer du chapitre précédent.
Et puis, la corrida culturelle repart ! Le samedi 26 on renoue avec le spectacle de la « Soirée Goutte de Lait » et son quitte ou double traditionnel. Malgré tous ses efforts, Philippe OLBRECHTS ne parvint pas à ce que l'argent soit déversé.Les candidats au quitte ou double ne semblaient vraiment pas en forme ce soir là ! Le quatuor LAUCLAFASA, par contre, y brilla comme d'habitude.
Le lendemain dimanche, Fernandel nous égaya avec son interprétation du « Boulanger de Valorgues ».
Le premier mai, fête du travail, fut l'occasion d'un congé inoubliable pour les mécanos acharnés du collège : la première sortie officielle de « la » camionnette. Si la présentation dans la cour avait été faite un peu auparavant comme signalé plus haut, ce fut ce 1er mai que le véhicule complètement opérationnel fit sa tournée triomphale dans les allées du collège et sur un bout de grand route ! La pluie vint arroser et corser ce succès.
Le même jour, grande course cycliste appelée : « Critérium International de BUKAVU ». Le premier prix fut un vélo mais un quiproquo survint car on fêta et fleurit le second de la course alors que le vrai gagnant se présenta bien après. N'étant pas sur le podium je ne puis vous donner plus de précisions mais si un aimable lecteur pouvait nous éclairer, ce serait sympa !
Le match Victory - KFC vira au water-polo ce même jour avec les 5 cm d'eau sur le terrain et le crachin perpétuel .
Le vendredi 2, le père JACQMOTTE et Mimil, nous proposèrent « Le Gouffre » comme ciné-club et le dimanche d'après, nous eûmes droit à Thijl UYLEN SPIEGEL (en français Les aventures de Till l'espiègle, 56, avec le regretté Gérard Philipe). Comme vous le voyez, l'intellectualisme reprenait le dessus et s'intensifiait : le vendredi 9, Mr LACOSTE nous donnait une conférence sur l'Acropole et le lendemain, ce fut celle sur « l'Empire Incas », où nous assistâmes à la triste décadence d'une grande civilisation Nous pûmes apprécier les effets dévastateurs et néfastes du colonisateur destructeur espagnol par rapport au colonialisme que nous poursuivions au Congo.
Ce dimanche 11 mai, notre piste d'athlétisme fut encore valorisée par le 2ème tournoi interscolaire. Les étudiants congolais de NYA NGEZI dominèrent la rencontre de bout en bout. Après avoir chaleureusement félicité les vainqueurs et leur entraîneur Mr. MICHEL, nous sauvâmes l'honneur avec la coupe de 2ème place et une lourde leçon d'humilité. Le mercredi suivant, nous eûmes la joie de visionner le documentaire : « Deux continents, deux hommes, deux chevaux ! » performance tout à l'honneur de CITROËN. Le jeudi 15, jour de l'Ascension, fut un grand jour de communion solennelle où 55 élèves furent confirmés par Mgr. VAN STEEN. La chorale se surpassa ! Durant le congé qui suivit, 'les grands' redécouvrirent « Les Bambous », sa patronne (. !) son mini-bikini et son mini-zoo. Les moyens en profitèrent pour se barrer à KATANA et le révérend père D'HUYVETTER monta pour les tous petits un grand guignol : « Les 4 pilules du Diable ».
Le Victory rame toujours tant et plus et parvient à un pénible 1-1 face au BFC.
Le vendredi 16 mai, une magnifique conférence sur la « carrière d'ingénieur » nous fut présentée par Mr. VERWILGEN. Le lendemain, deuxième édition de la soirée « Goutte de Lait » et cette fois, après un music-hall sensationnel où Mr VAN BAESTELAERT remporta un succès non négligeable, le quitte ou double fut fort bien enlevé. Nouveau succès pour LAUCLAFASA !
Le film du lendemain 'Baratin' avec Roger NICOLAS nous laissa sur notre faim, sa performance n'atteignant pas celle d'un FERNANDEL. Par contre, le mercredi 21 mai, le magicien NERVALLY nous époustoufla en avalant verres et lames de rasoir ainsi qu'en charmant des serpents !
Avec le samedi 24 débutait le dernier congé trimestriel de l'année académique. Entre temps, Orientation, nantie de journalistes bien fouineurs nous rapportait qu'une petite Rosette était née chez Mr. et Mme. WIJNEN. Une petite Carine arriva aussi chez Mr. et Mme. LAPAGE. L'équipe Martine et Dominique DIEU se renforça d'un petit frère Baudouin.
Parallèlement, Le Père a rappelé à lui la maman de Fons GEENS, Mr. RUYTER (victime d'un accident à CASABLANCA), le père de Mme. JADOT, (institutrice en préparatoire) et le grand père d'André et Jean Claude NOIRFHALISE.
La dernière ligne droite se pointe et tout à coup, le Victory se réveille : 5 - 0 contre l'Entente ! Le même jour, Darry COWL nous abasourdit dans « Cinq Millions comptants ». Le collège lui, n'oublie pas ceux qu'il a bien connus et une messe de requiem est célébrée pour le repos de l'âme de Mr. RUYTEN dont j'ai parlé ci-avant.
Le succès de la fanfare fut ahurissant à la fancy-fair des élèves du collège du Saint Esprit à Usa. Pendant ce temps, le film « La patronne de choc ! » ravissait ceux qui étaient (dans leur grande majorité) restés à BUKAVU. On renoua avec la tradition des grands jeux de nuits. Cette fois ce fut la bataille de l'eau lourde aux alentours de la centrale électrique qui fut organisée. Grosses empoignades et pas mal de prises de bec mais au total : bien amusés. Un bémol pour moi tout de même car mon frère qui m'avait prêté sa magnifique lampe de tête, avec batterie à la ceinture, n'apprécia pas ma chute dans un trou de forage autour de la centrale, le long du talus de la RUZIZI. Sa lampe en avait pris un gros coup, moi aussi d'ailleurs, mais ça mon frère n'en avait rien à cirer !
Le lendemain, samedi 14, congé en l'honneur du passage du R.P. Provincial. On put récupérer du jeu de nuit ! Le 15, Mario TRIPEPI et Mr. WESTHOVENS représentèrent le Victory dans l'équipe de BUKAVU et contribuèrent à sa victoire contre Usa (3-1).
Nos neurones sont à nouveau titillées par le père JACQMOTTE
et MIMIL qui mirent sur pied un extrait de « En attendant GODOT » de
Samuël BECKET, en l'honneur de la visite du père Provincial. Dommage que ce ne
fut qu'un extrait car l'assemblée resta sur sa fin devant ce spectacle à la fois
captivant et bizarre !
Ce fut ensuite la cascade des photos de classe. La photo
1474
montre la classe de mon frère avec le frère Directeur à gauche et le frère
Roland à droite. La 1475
montre la classe de mon père (6ème primaire) sur laquelle on
reconnait le webMaster du site, Jean-Marie HOCK(2ème à droite dans la rangée du
milieu). La
1476
montre Mr. DESCAMPS, prof en 6ème préparatoire
qui est pris à la sauvette. La
1477 montre toute la poésie en juin 1958 : debout de
gauche à droite vous avez : le père JACQMOTTE, Frans VANDENPLAS, Charles
DESEMERIES, Robert MORTIERS, Contosphyris EVANGELOS, André BOLLO, Henri PIETERS
(?), ? ? ?, Joseph MOBAX (?), Willy
CLAESSENS, Franz ANSIEAU, Guy NOTTÉ et Gustave FABRIZI. Accroupis : Pierre
SAILLEZ, Serge TRIPEPI, Victor HERMAN (?), Pol DELIL, Auguste FABRIZI (?), Charles
BORGERS, Jean DEPELCHIN, Jean Claude MARSIGNY (?) ( ?), Yvon BULTOT(?), Luc VANDENDRIESSCHE. Assis : Jean Pierre
LAURENT (?), ---- VAN
KERCKVOORDE, Alain DELVILLE, Marc VERBOIS, Jean Pierre SUTTOR, Christakis
CHARALAMBIDIS, Gérard DELHAYE et Albert QUINTENS.
La photo (1478) montre la 2ème
économique avec de gauche à droite :Pierre THIELEMANS, alias PIT, Guy VAN GREEMBERGHE,
alias PEPS, Mr. GEERTS au centre, alias PAPS, Michel STAVRIANOS, alias
STAVROS ou BIMBIM, Aloïs WAUTERS, pas d'alias !
La photo (1479) montre la 4ème moderne de Mr. WESTHOVENS avec Luc VAN GREEMBERGHE ET Guy JOANIDES.
Sur la
1480, on peut voir l'équipe des profs de
préparatoires avec de gauche à droite, dernière rangée : Raphaël ANSIEAU
(?) 6ème B, frère ROLAND5ème, frère RENÉ 5ème et 6ème flamande,
monsieur BUYTAERT (?) 3ème et 4ème flamande,
madame DESCAMPS 2ème B, monsieur DESCAMPS
(?) 6ème A , frère HENRI 4ème; assis devant et de gauche à droite : Mme
WAUTERS3ème A, madame SEGERS (?) 1ère et 2ème flamande, frère ERNEST 1ère A, frère BAUDOUIN (directeur), frère JULES 2ème A, madame JADOT 1ère B et monsieur JADOT 3ème B.
Et pour la première fois, voici une interférence sérieuse dans la vie du collège. En effet, des changements en profondeur commençaient à se faire jour quant aux rencontres « jeunes gens - jeunes filles ». Des rencontres entre parents et éducateurs avaient permis dans un premier temps la rencontre systématique entre les rhétos et poésies des deux institutions lors de manifestations culturelles. La fameuse « salle verte » jouxtant la salle de spectacle était mise à notre disposition et lors des entractes, nous étions autorisés à nous y retrouver en toute simplicité et liberté pour échanger nos idées sur les spectacles proposés. Cela alla en s'intensifiant mais cela vous sera développé avec force détails dans le chapitre de l'an prochain.
51) Fête du père Recteur, examens, ciné, courses.
La fête du père Recteur se profilant dans un avenir immédiat, le père D'UYVETTER organisa son guignol pour la grande joie des petits et leur proposa « La lune et la lanterne magique ». Pour les grands, le lendemain 21 juin, ce fut d'abord le défilé et les voux puis le match prof - élèves, une nouvelle fois remporté par les élèves (victoire célébrée par une averse diluvienne !). Les pères durent aussi s'incliner au volley. Les jeux de Saint LOUIS minutieusement préparés et royalement récompensés eurent un succès sans précédent. En finale, la maquette du collège, réalisée avec des matériaux naturels, fut ciblée par un bombardement aérien et s'enflamma, enfumant les alentours ! Qu'importe, au petit jour, elle fumait encore !
Le dimanche 22, après une course automobile spectaculaire et riche en émotions, ce fut la course pour revenir assister au film « Les Clefs du Royaume » : la beauté et la grandeur d'une vie consacrée entièrement à Dieu et aux hommes, film de 44 avec Gregory PECK, d'après l'ouvre de AJ CRONIN. Inexorablement la fin de l'année académique approche ! Les rhétos enfilent leurs « tubes » pour passer à la « salle verte » pour autre chose que la rencontre avec leurs homologues du pensionnat ! Nous aussi, pour nous habituer aux futures épreuves orales, nous avions notre petit quota d'examens oraux à passer en tubes. Comme toujours les examens se terminèrent par ceux des « grosses matières » tout en n'oubliant pas le culturel qui ne faiblit pas. Le jeudi 26, le père JANSEN nous gratifia d'une solide conférence pour le gala cinématographique de BUKAVU, mais seuls les rhétos purent assister à la projection des « Nuits de CABIRIA » de Federico Fellini avec Giulietta Masina et François Périer. (Maturité oblige . ?)
Plus romantique, le film « PIROTSHKA » sensibilisa plus d'un adolescent le dimanche suivant. Le sérieux nous rattrapa avec le ciné forum « OTHELLO » d'Orson WELLES 1951.
Le cap est passé, les examens sont derrière nous et nous fûmes mis en congé le mardi 1er juillet avec en prime, l'organisation d'une course cycliste. Installés sur la terrasse en face de chez nous, nous eûmes tout le temps de savourer la course, une Primus ou un whisky soda en main. Une véritable ambiance de Parc des Princes modulait BUKAVU. Avec des amis, assis sur la balustrade nous encouragions les coureurs. Quelques chutes spectaculaires eurent lieu et ce fut Luc VAN GREEMBERGHE qui remporta la course « amateurs ».
52) Spectacles de fin d'année et.. vivent les vacances !
Les choses se précipitèrent alors et parallèlement aux
distributions des prix, ma mère préparait activement le retour en Belgique.
1958 : année de l'exposition internationale ! La fièvre des grands
départs nous envahit. Les valises se bouclent. La proclamation des préparatoires
fut l'occasion d'un grand succès théâtral pour mon père et sa classe de sixième.
Il réalisa une opérette complète avec ses élèves. Le collège lui avait fourni
l'aide logistique et musicale nécessaire. La scène de notre grand théâtre fut
transformée en une plazza espagnole plus vraie que nature ! Le père GOOSENS
se surpassa en accompagnant les divers chants, duos et chours interprétés par
les élèves de mon père. Cette opérette « Le parapluie de DON
QUICHOTTE » dont le rôle principal était tenu par Pierre ARNOLD (fils de
Mr. et Mme ARNOLD de la « Presse Africaine »), remporta un succès
fulgurant.
La grotte du collège, un tantinet dépoussiérée, faisait la jonction entre le collège et la chapelle des Boys. (photo 1482).
Le lendemain, vendredi 10 juillet, proclamation aux humanités : ouf, pas d'examen de passage, mais au contraire quelques prix et accessit ! C'est donc le cour léger que je me suis embarqué pour le retour en passant par Usa et Léo où nous avons passé la nuit au guest-house. Nous nous sommes promenés le lendemain quelques heures dans Léoplodville la BELLE !. À l 'époque cette ville fantastique était un modèle de beauté. Cela n'a plus rien à voir avec la « poubelle » que j'ai retrouvée en janvier 2006 lors d'un séjour en RDC.
Après un bon dîner qualité SABENA, ce fut le grand saut par LIBENGE, puis TRIPOLI (en pleine nuit) et enfin « ZAVENTEM » puisque année d'expo oblige !
Je rentrais en Belgique avec encore plus d'images et de souvenirs en tête. Durant ce second séjour, adolescence aidant, l'intensité des moments vécus, que ce soit en famille, au collège ou chez les scouts, ont gravés dans ma mémoire des émotions irremplaçables et inoubliables.
L'année « 1957-1958 » ( la Poésie, comme on l'appelait) était derrière moi ; la vie venait de me faire une fois de plus le cadeau magnifique d'y avoir mordu à pleines dents. Pourtant elle ne s'arrêta pas là ; la prochaine grande aventure m'attend au retour : cette Rhéto tant attendue est à portée de la main !
Merci aux copains de classe et aux professeurs qui m'ont entouré durant toute cette année !
Exit
57-58, à bientôt 58-59.